Spike Lee, président : ses liens avec le Festival de Cannes (et la France)

Spike Lee, président : ses liens avec le Festival de Cannes (et la France)

Spike Lee. C’est le président du jury de ce Festival de Cannes 2021, et de manière symbolique c’est également la première fois qu’un cinéaste noir occupe cette fonction dans un grand festival de cinéma.

Dans l’histoire du cinéma américain les Noirs ont souvent, trop souvent, dû compter sur Hollywood pour raconter leurs histoires. Je suis décidé à changer cela, ne serait-ce que dans la mesure de mes modestes moyens. Nous ne devons pas dépendre des Spielberg et consort pour définir notre existence. Les Noirs doivent produire leurs propres films, un point c’est tout.

Spike Lee, en 1986, à la Quinzaine des Réalisateurs

Cet honneur arrive en fait après un parcours d’une trentaine d’années de Spike Lee à Cannes, dont voici les 5 grandes dates :

-1986 : Spike Lee a 29 ans et son premier long-métrage (tourné en 12 jours), Nola Darling n’en fait qu’à sa tête est à Cannes sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs. Il remporte un Prix de la Jeunesse. 30 ans plus tard cette histoire sera ensuite adaptée pour une série du même nom (diffusée sur Netflix, deux saisons en 2017 et 2019). Le film a été une grande influence pour Mathieu Kassovitz qui en fera un transposition pour son premier film en 1993 Métisse.

-1989 : retour à Cannes cette fois sur les marches rouges en sélection officielle avec Do the right thing. Avec ce film, Spike Lee entre dans la cour des grands – une nomination aux Oscars pour Danny Aiello, trois nominations aux Golden Globes pour Spike Lee. Extension du court-métrage étudiant, Joe’s Bed-Stuy Barbershop: We Cut Heads. On retrouve un certain Ang Lee, camarade de classe de Spike Lee, en assistant réalisateur.

-1991 : 2ème présence en sélection officielle avec Jungle Fever. C’est la révéléation de Samuel L. Jackson, avant Pulp Fiction, prix du meilleur second rôle masculin à Cannes. Mais aussi les débuts au cinéma de Halle Berry et Queen Latifah.

-1999 : retour à Cannes dans la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs avec Summer of Sam, c’est d’ailleurs un de ses meilleurs films, pourtant boudé par la sélection officielle. Sans doute son œuvre la plus scorcesienne.

-2018 : 3ème fois en sélection officielle avec BlacKkKlansman et cette fois Spike Lee brille en compétition. Il y gagne le Grand Prix du jury présidé par Cate Blanchett (la Palme d’Or a été reçu par Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda). BlacKkKlansman a continué son parcours de récompenses en gagnant ensuite un Oscar du meilleur scénario adapté. C’est le sacre d’un vétéran du cinéma américain, qui réussit là, comme pour son blockbuster Inside Man (2006), à concilier un sujet engagé, une œuvre politique, un film d’action et un casting étoilé. Le film coïncide aussi avec les enjeux de l’époque: le racisme, la montée de l’extrême-droite, l’activisme…

On passera sous silence que en 2013 Spike Lee a réalisé Old Boy un remake aussi décevant qu’inutile et improbable du célèbre Old Boy de Park Chan-wook qui avait reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 2004…

Parmi toutes les personnalités qui viendront sur le tapis rouge monter les marches, il y en a 5 avec qui Spike Lee a déjà fait le « joint » :

-Léa Seydoux : elle sera à Cannes en tant qu’actrice dans 4 films différents, dont 3 en compétition (France de Bruno Dumont, L’histoire de ma femme de Ildikó Enyedi, The French Dispatch de Wes Anderson) devant le jury présidé par Spike Lee. BlacKkKlansman il avait gagné le Grand Prix du jury, il y avait alors comme membre du jury Léa Seydoux !

-Jodie Foster : elle sera à Cannes pour la cérémonie d’ouverture et recevoir une Palme d’Or d’honneur. Le 7 juillet dans le cadre de «Rendez-vous avec…» elle donnera une masterclass en public. Spike Lee a dirigé Jodie Foster en 2006 dans Inside Man.

-Melanie Thierry : elle sera la présidente du jury de la Caméra d’or. Elle a été dirigée par Spike Lee dans Da 5 Bloods en 2020 (sur Netflix).

Helen Mirren : elle viendra à Cannes en qu’ambassadrice d’une grande marque cosmétique (L’Oréal, partenaire du festival). Spike Lee et Helen Mirren ont été ensemble membres du même jury pour le Festival de Venise 2004, alors présidé par John Boorman, où ils avaient attribué le Lion d’Or à Lion à Vera Drake de Mike Leigh.

-François Ozon : il viendra présenter en compétition Tout s’est bien passé. Spike Lee en tant que juré à Venise en 2004 avait déjà eu à juger alors 5×2 de François Ozon.

Par ailleurs les liens de cinéma entre la France et Spike Lee compte également avec un César d’Honneur qui lui a été remis en 2003 (en même temps qu’à Meryl Streep et à Bernadette Laffont); mais aussi un procès gagné contre le groupe TF1 Droits audiovisuels qui avait bloqué en 2008 la sortie de son film Miracle à Santa-Anna, que Spike Lee était venu présenté en avant-première au Festival de Deauville et à la Cinémathèque à Paris (programmé dans le cadre d’une rétrospective de l’ensemble de ses films). Enfin, il a souvent utilisé des acteurs francophones comme Monica Bellucci et Jamel Debbouze dans She hate me en 2004, et Jean Reno dans Da 5 Bloods.