Cannes 2021 | Robuste de Constance Meyer, une comédie tendre en ouverture de la Semaine de la Critique

Cannes 2021 | Robuste de Constance Meyer, une comédie tendre en ouverture de la Semaine de la Critique

Lui, c’est la star de cinéma qui en vieillissant a désormais une réputation d’acteur difficile à gérer, elle c’est une jeune femme de 25 ans qui à côté de ses entrainements de lutte travaille comme agent de sécurité. Georges et Aïssa n’ont absolument rien en commun et représentent deux mondes très éloignés, mais le temps de plusieurs semaines, ils vont se rencontrer et s’apprivoiser. L’assistant personnel de l’acteur doit prendre un congé et c’est elle qui va avoir cette mission : elle sera à la fois sa secrétaire, son chauffeur et parfois sa baby-sitter.

Le job est du genre « homme à tout faire » et justement la particularité physique de Aïssa est son imposant physique de bonhomme. Son corps bien plus large que d’autres lui vaut d’ailleurs une remarque qui lui conteste son identité de femme, « une meuf, faut le dire vite… ». Celui de l’acteur est gros avec un excès de poids qui d’ailleurs le fatigue, il a régulièrement des palpitations et une gêne à respirer, « j’ai l’impression de crever ». Georges a la lassitude des divers préparatifs de son prochain film et n’hésite pas à planter ses rendez-vous, alors que Aïssa montre en apparence un dynamisme à toute épreuve. Le film est bercé par la mélodie de la chanson de Michel Berger comme pour faire le trait d’union qui va relier ces deux personnes qui vont se dévoiler leur sentiment de solitude : « juste un peu d’amour, j’ai besoin d’amour…»

C’est le premier long-métrage de Constance Meyer et il est en ouverture de La Semaine de la Critique : Robuste représente autant la rencontre de ces deux personnages qu’il montre une réunion inédite entre le très connu Gérard Depardieu et la pas assez reconnue Déborah Lukumuena révélée par le film Divine (d’ailleurs Caméra d’or à Cannes en 2016, et César de la meilleure actrice dans un second rôle). Peut-être parce que Robuste est l’œuvre d’une femme réalisatrice, le film évite l’écueil de voir l’ogre Depardieu cannibaliser l’histoire en mettant plutôt au premier plan la personnalité de Déborah Lukumuena. On aurait pu craindre encore un autre duo entre une star sur le déclin et une jeune femme séduite (ce qui était d’ailleurs la base de Quand j’étais chanteur avec Depardieu et Cécile de France, à Cannes en 2006), mais fort heureusement il n’en est rien car il s’agit là plutôt d’un binôme dans lequel c’est quasiment l’inverse car ici c’est la femme raisonnable et professionnelle qui mène le bal face à notre Gégé imprévisible qui sera influencé par elle.

« J’ai pas besoin qu’on me flique, je ne suis pas un enfant… »

Dans ce film, l’acteur inconsistant qui essaie d’échapper à certaines obligations de son métier (essayage de costume, cours d’escrime) s’appelle Georges et il est quelqu’un d’autre que Depardieu mais bien entendu on ne peut s’empêcher d’y voir Gérard qui se joue lui-même en acteur apprenant de beaux textes qu’il a désormais du mal à mémoriser (une ligne de dialogue évoque même son « incident » avec un avion Air France). Le scénario est assez malin pour incorporer certains détails exotiques comme une passion pour des poissons rares qui vivent dans le noir, tout en glissant ça ou là une remarque signifiante telle que les poissons sont difformes mais beaux quand-même (comme le corps de chacun des deux personnages).

Aïssa va se rendre compte d’une certaine solitude chez cette acteur (à la fois subie, et provoquée) et outre son rôle officiel de l’aider à s’organiser, peu et peu elle va presque le materner… Elle-même semble assez bien entourée entre sa famille, sa copine d’entrainement et un autre sportif qu’elle désirerait comme petit-ami, mais une séquence particulière dans un restaurant verra l’acteur venir s’incruster pour la dévaloriser… Robuste c’est l’apparence des corps en forme de carapace de Aïssa et de Georges.