Cannes 2021 | Satoshi Kon, l’illusionniste de Pascal-Alex Vincent, histoire d’une carrière fulgurante

Cannes 2021 | Satoshi Kon, l’illusionniste de Pascal-Alex Vincent, histoire d’une carrière fulgurante

En 1997 sort un film d’animation qui va dépasser son statut d’anime japonais pour progressivement s’imposer simplement comme l’un des meilleurs films de cinéma de cette année-là, et des suivantes. En faire le résumé est presque impossible, disons qu’il s’agit d’un homme qui poursuit une ex-chanteuse, qui elle-même poursuit une ombre. L’histoire de Perfect Blue est racontée à travers un entremêlement où la réalité autant que l’imaginaire sont remis en questions. Le nom de Satoshi Kon va commencer à rayonner, et il va continuer à pousser de plus en plus loin une narration où l’ordre chronologique des faits réels ou fantasmés avec le présent et le passé devient un maelström visuel complexe et fabuleux.

Avant sa disparition prématurée (d’un cancer à 46 ans), il aura contribué à imposer l’animation comme un cinéma à destination d’un public plus large et plus adulte, avec ses 4 films Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfathers, Paprika (au festival de Venise) et la série Paranoia Agent. Avant cela, il avait commencé à dessiner des mangas, et c’est justement un peu toute sa carrière graphique qui est commentée dans Satoshi Kon l’illusionniste, un documentaire de Pascal-Alex Vincent qui lui rend hommage.

On y voit les témoignages admiratifs de cinéastes français et japonais comme Jérémy Clapin (J’ai perdu mon corps à Cannes 2019, 2 Césars et 2 nominations aux Oscars) et Mamoru Hosoda (Belle en avant-première mondiale de ce Cannes 2021), et d’autres qui ont eu l’occasion de rencontrer le maître pour des échanges collaboratifs : Marc Caro qui avait envisagé d’adapter son manga Kaikisen, Mamoru Oshii qui avait initié avec lui le manga Seraphim, Darren Aronovsky qui a imité quelques cadrages de Perfect Blue dans son Requiem for a dream, Rodney Rothman qui s’est inspiré de lui pour Spider-Man: Into the Spider-Verse ; ou encore d’autres professionnels comme un character-designer ou un animateur.

Les mêmes éloges reviennent à propos de Satoshi Kon : visionnaire, audace narrative, intrication des intrigues, très perfectionniste… Tout cela est illustré par divers extraits de films, qui d’ailleurs donnent envie de les (re)voir encore. Satoshi Kon a pu être influencé au début en tant que dessinateur par Katsuhiro Otomo et pour l’animation par Mamoru Oshii en travaillant d’ailleurs à un moment dans leur équipe, mais ensuite il a pris son envol comme réalisateur au sein du studio MadHouse. En 2001, les deux meilleurs films d’animations primés ont été son Millenium actress, et Le Voyage de Chihiro du concurrent Ghibli.

Ce documentaire parle beaucoup du cinéma d’animation et notamment de ce que Satoshi Kon a fait pour en améliorer la visibilité, mais il évoque aussi le cinéma de manière plus large avec d’autres films qui ont des points communs avec les histoires adaptées par le réalisateur. On y découvre des parallèles avec Abattoir 5 de George Roy Hill (prix du jury à Cannes en 1972), Fin d’automne de Yasujirō Ozu (1960), Le Fils du désert de John Ford (1948)…

Le décès de Satoshi Kon a porté un coup d’arrêt à son dernier film en cours de production Dreaming Machine centré sur trois robots (cachés mais aperçus dans Paprika !) qui continuent leurs tâches sur Terre alors que la population a été décimée, et on ne peut même pas imaginer à quel point il aurait pu encore porter plus loin l’animation… On se consolera avec la première cannoise de Belle de Mamoru Hosada, devenu en quelque sorte son héritier.