Cannes 2021 | Clara Sola, le tour de force naturaliste et érotique de la Quinzaine

Cannes 2021 | Clara Sola, le tour de force naturaliste et érotique de la Quinzaine

Cette année, la claque naturaliste et sensuelle de la Quinzaine des Réalisateurs pourrait bien s’appeler Clara Sola !

« C’est la Vierge Marie qui m’a dit de faire ça. » 

Dans un village perdu dans la jungle du Costa Rica, Clara, une femme de 40 ans inapte au contact social, tente de se libérer des conventions religieuses et de la répression mise en place par sa mère. 

Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, Nathalie Alvarez Mesén n’a pas fait les choses à moitié. Cette costaricienne-suédoise a choisi de montrer au reste du monde comment une société patriarcale continue de ternir tous les cercles sociaux, même ceux qui ne comptent que des femmes. 

Pendant 1h46, Clara Sola nous emmène ainsi dans les tribulations d’un personnage hors du commun : la forme de la colonne vertébrale de Clara  l’empêche d’être une femme « comme les autres », élément que sa mère particulièrement pieuse n’a pas manqué d’attribuer au divin. Ainsi, alors qu’elle est entièrement dépendante de celle-ci et de sa nièce Maria, elle semble capable de guérir les blessures et les maux de villageois. Une aubaine pour sa mère !

Mais pour que cela puisse se faire, elle se voit contrainte de n’adopter aucun comportement contraire à la religion chrétienne. Tout éveil sexuel est puni : le spectateur assiste médusé à plusieurs scènes au cours desquelles la mère de Clara la punit après qu’elle a ose se caresser en lui mettant du piment sur les doigts et va par la suite jusqu’à lui demander de se brûler la paume des mains pour que la leçon soit retenue.

Indépendance charnelle et spirituelle 

L’idée qu’elle puisse vouloir disposer de son propre corps semble aberrante et dans ce climat anxiogène, seule sa jument Yuca semble lui apporter un peu de réconfort. Jusqu’à ce qu’elle fasse la rencontre de Santiago, jeune éleveur du village intéressé au premier abord par Maria. 

Au fur et à mesure que Clara et Santiago sont amenés à se revoir, elle prend plaisir à se dévoiler et à partager ses habitudes un brin curieuse avec lui. Loin d’une figure de mentor ou d’éventuel love interest, Nathalie Alvarez Mesen utilise la bienveillance du personnage masculin pour permettre à son héroïne de s’émanciper. Le tout menant à un acte particulièrement symbolique (que l’on ne vous spoilera pas ici afin de garder le suspense intact) qui clôt un film à la beauté déconcertante.

Conte naturaliste et sensuel 

Mais si Clara Sola interpelle, c’est avant tout pour la dimension mystique que la réalisatrice-scénariste a décidé d’intégrer. Le spectateur a beau être sceptique, Clara semble bel et bien bénéficier de dons que l’on peut décrire comme surnaturels. Si tant est qu’il ne faut pas longtemps pour faire le lien entre ces crises émotionnelles et les déchaînements de la nature autour d’elle. La comparaison avec Carrie est possible car évidente. 

Le personnage de Clara n’a rien de beau. Son état physique interroge tandis que son psychisme est loin d’être ordinaire. Et pour camper ce personnage hors du commun, Nathalie Alvarez Mesén a eu abonne idée de caster Wendy Chinchilla, une danseuse de formation parfaitement apte à se muer en Bossue des temps modernes. Centrale et parfaitement maîtrisée, sa performance ravit et impressionne très vite. 

A l’instar de cette technique qui montre un Costa Rica particulièrement rural et pauvre et où les valeurs religieuses donnent le la. La photographie tour à tour réaliste et naturaliste sublime l’expérience sensorielle de Clara Sola. Si tant est qu’une fois terminé, le film reste longtemps en tête, comme une oeuvre composite dont plusieurs lectures sont nécessaires pour en comprendre chaque couche. C’est perturbant, libérateur et tellement efficace à la fois !

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs
Réalisatrice : Nathalie Álvarez Mesén
Avec : Wendy Chinchilla