Cannes 2021 | Monrovia, Indiana : Make America White Again ?

Cannes 2021 | Monrovia, Indiana : Make America White Again ?

Comment parler de l’Amérique de Donald Trump sans mentionner Donald Trump ? C’est l’exercice que Frederick Wiseman propose avec Monrovia, Indiana son long métrage présenté dans le cadre du Carrosse d’or remis au cinéaste par la Société des réalisateurs de films durant la Quinzaine des réalisateurs.

Bienvenue à Monrovia

Pour son 44e film, Frederick Wiseman s’envole à Monrovia, ville agricole d’Indiana qui compte 1400 habitants — dont 76% de votants pro-Trump lors de l’élection américaine de 2016. Pendant 2h23, le réalisateur de Near Death et National Gallery filme les réunions, les célébrations et les petites habitudes d’une communauté majoritairement blanche, rurale et portée sur la religion et les armes.

Sorti au printemps 2019, Monrovia, Indiana n’est pas un documentaire anodin. Il s’inscrit en effet dans une mouvance qui a émergé à la suite de l’élection du précédent président des Etats-Unis d’Amérique et qui consiste à donner à voir un pan de l’Amérique trop longtemps oublié et marginalisé. 

Grâce à un travail reposant avant tout sur le dévoilement de la réalité (Frederick Wiseman s’autorise des scènes à la longueur indécente et semble peu se soucier du montage), le réalisateur aujourd’hui âgé de 91 ans se place en spectateur d’une routine parfaitement huilée. Et il ne faut pas attendre longtemps avant que les thématiques importantes des habitants de Monrovia ne soient dévoilées. 

Vente de machines agricoles, foires de voitures, achat d’armes à feu, cérémonies religieuses… Tous les éléments sont réunis pour que l’on s’immerge dans cette communauté repliée sur elle-même et où les athlètes (lycéens ou étudiants depuis les années 1920) sont érigés en héros. Si le propos fonctionne à merveille, c’est précisément parce qu’à aucun moment le spectateur n’est tenté de ramener ces citoyens à l’image de « ploucs » que l’on a trop longtemps tenté de leur attribuer. Car c’est tout ce qu’ils ne sont pas !

Zéro chichi, zéro blabla

Leurs valeurs peuvent être commentées mais à mieux y regarder, ce petit village d’Indiana a tout à voir avec d’autres villages des Etats-Unis et d’ailleurs. Eh oui, il ne faut pas réfléchir longtemps avant de parvenir à faire le parallèle avec certaines régions de France, abandonnées par les pouvoirs publics et gérées de manière responsable par des administrés locaux. Mais Frederick Wiseman ne s’arrête pas là. 

Ici et là, il distille intelligemment l’idée que cette communauté qui semble pourtant pérenne doit faire face à de nouveaux défis. Notamment celui d’une meilleure ouverture sur le reste du monde pour attirer les entreprises, tout en souhaitant ne pas bousculer la démographie de Monrovia (et donc de sa diversité — ou plutôt de son absence). 

Le cinéaste nous épargne en outre toute fioriture (voix-off, séquences cocasses, bande-son originale) pour ne garder que l’essentiel : ce que l’on voit à l’écran. Et cela signifie de magnifiques paysages à perte de vue et parfaitement cadrés et qui dévoilent une population où l’obésité ne peut-être dissociée de la surproduction alimentaire locale. Le tout dans un esprit d’entraide qui s’explique par une formule simple : à Monrovia, tout le monde se connaît.  

« Ma femme est en vacances alors je me fais des carottes […] Et je descends mes carottes à la bière ! »

Carrosse d'or 2021 de la Quinzaine des Réalisateurs remis à Frederick Wiseman