Cannes 2021 | Avec Tre Piani, Nanni Moretti filme un monde inquiet et chaotique

Cannes 2021 | Avec Tre Piani, Nanni Moretti filme un monde inquiet et chaotique

Tre piani signe le retour du cinéaste italien, Palme d’or il y a vingt ans avec La chambre du fils, dans la compétition cannoise. Des pères toxiques, des femmes emprisonnées et des drames avérés ou imaginés composent cette partition paranoïaque, qui, hélas, ne nous touche jamais.

Ça se passe à Rome, et dans le livre qui a servi de matière première, à Tel Aviv. Et, finalement, Tre Piani pourrait se dérouler dans n’importe quelle ville occidentale. Un immeuble de trois étages. Trois chapitres espacés de cinq ans. Quatre familles voisines qui vont être liées par un drame commun, dès le début du film. Une femme (Alba Rohrwacher, la plus singulière) au bord d’accoucher, sort de l’immeuble, attend son taxi en pleine nuit, tout en marchant dans la rue. Une voiture qui ne maîtrise pas sa vitesse cherche à l’éviter, percute mortellement une piétonne, pour finir dans le bureau de Lucio (Riccardo Scarmaccio), au rez-de-chaussée. Le conducteur, ivre, ensanglanté, est le fils du couple de juges (Margherita Buy, toujours impeccable, et Nanni Moretti, en service minimum) au deuxième étage. Par prévoyance, Lucio et son épouse confient alors leur petite fille à un vieux couple, pour pouvoir gérer la situation tranquillement…

Fiche technique
Trois étages (Tre piani), 1h59
Sortie en salles le 27 octobre 2021
Réalisation : Nanni Moretti
Scénario : Nanni Moretti, Valia Santella, Federica Pontremoli, d'après le roman d'Eshkol Nevo
Musique : Franco Piersanti
Distribution : Le Pacte
Avec Margherita Buy, Riccardo Scarmacio, Alba Rohrwacher, Nanni Moretti, Alessandro Sperduti, Denise Tantucci, Adriano Giannini

Or, rien ne va être tranquille dans ce récit. Chacune des familles est dysfonctionnelle, ce qui est à peu près la seule chose rassurante pour les spectateurs. Pour le reste Nanni Moretti filme un monde rempli d’inquiétudes, de peurs, d’incertitudes, de doutes et envahi par le sentiment d’insécurité. Le réalisateur livre une vision très pessimiste à travers les incidents et traumas qui traversent ces foyers.

Pas déplaisant en soi, Tre Piani nous laisse pourtant au rez-de-chaussée, ne s’élevant jamais. Les personnages masculins, toxiques, autoritaires, absents et peu aimables, agissent comme un poison qui pourrit tout leur entourage. Tout juste sont-ils sauvés sur la fin. Les rôles féminins sont bien mieux traités, oscillant entre compassion, bienveillance et suavité. Dans ce capharnaüm caractériel, où se mélangent parano, folie et dilemmes, les enfants rois sont paumés. C’est la faute des pères, à chaque fois, mais ce n’est jamais non plus la fête des mères, qui encaissent et se soumettent, malgré tout.

A l’origine, Trois étages, roman d’Eshkol Nevo, était une comédie douce-amère, très psychologique, sur une crise identitaire dans une société chaotique. Nanni Moretti a complètement retravaillé les histoires, pour en faire un mélodrame classique, qui ne trouvera jamais l’intensité de La chambre du fils ou même la sensibilité de Mia Madre.

Un puzzle à grosses pièces

Les drames intimes se multiplient comme autant de faits divers dans un journal. Ils menacent l’équilibre de chacun des couples. Tout le monde déraille progressivement, par vengeance, rancœur ou souffrance. Dans ce méli-mélo très décousu, où les histoires se relient assez grossièrement, comme un pull mal tricoté, le cinéaste bloque toute émotion à force de nous distraire par des dialogues parfois redondants ou des scènes peu imaginatives, pour ne pas dire convenues et téléphonées.

Où est le bonheur ? Peut-être vers la fin, quand tout s’apaise, quand les peurs se dissipent, quand l’art reprend la rue aux fachos, quand le pardon remplace la colère. La lumière italienne illumine ce film sombre et violent. Pourtant, aucune larme ne coule. Nanni Moretti ne parvient jamais à nous impliquer dans ces destinées. La tonalité du film est trop confuse, les histoires trop mesquines, le scénario trop plat et les personnages, traités superficiellement, trop distants, pour que l’on veuille partager le quotidien de cet immeuble.

https://youtu.be/7mJ9fAxzBwo