Cannes 2021 | Bonne mère, hymne sincère à une mère courage

Cannes 2021 | Bonne mère, hymne sincère à une mère courage

Deux ans après Tu mérites un amour, l’actrice réalisatrice Hafsia Herzi filme la chronique d’une mère qui porte tout le poids d’une famille turbulente, sans aucune considération.

Hafsia Herzi plante de nouveau sa caméra à Marseille, mais cette fois-ci dans la Cité nord, quartier populaire. La précarité est omniprésente. Depuis son premier film, Tu mérites un amour en 2019, l’actrice-réalisatrice a pris de l’assurance. Bonne mère est plus maîtrisé, moins improvisé, et plus ténu.

Fiche technique
Bonne mère, 1h36
Sortie en salles le 21 juillet 2021
Réalisation et scénario : Hafsia Herzi
Image : Jérémie Attard
Distribution : SBS
Avec Halima Benhamed, Sabrina Benhamed, Jawed Hannaci Herzi, Mourad Tahar Boussatha, Malik Bouchenaf
Prix d'ensemble - Un certain regard - Festival de Cannes 2021

Si la jeunesse est toujours présente à travers une smala d’enfants et petits-enfants, c’est la mère qui est au centre de son attention. Une femme mutique, douce, généreuse, qui porte le poids de son monde sur ses épaules.

Hafsia Herzi s’éloigne ainsi des histoires de cœur pour préférer filmer une femme de cœur, pour ne pas dire sa mère courage. Entre petits jobs des uns et débrouille des autres, frime et rêves, concessions et compromis, elle dépeint une famille enracinée dans un petit appartement. Certains glandent, d’autres subissent. La mère, elle, travaille, pilier sans lequel tout s’effondrerait. C’est dans ce tableau du quotidien de cette femme que réside toute la beauté de cette chronique. Une tranche de vie où l’on devine le passé et où nous laisse inventer l’avenir…

En quête de sincérité

Dans ce laps de temps, la cinéaste prend le temps de nous montrer ses longues journées, entre les transports, la visite à une vieille dame avec qui elle partage ses derniers moments de vie, l’avocate pour sortir son fils de prison, le cabinet pour enfin pouvoir avoir un dentier lui permettant de manger (une idée commune avec le beau film Ibrahim), les courses, etc.  Elle gère tout, lasse, mais résignée. Généreuse et courageuse. « Tant que resterai debout, je resterai solide » dit-elle.

La matriarche est entourée de gens aimables et solidaires (ses collègues) et d’enfants égoïstes. Hafsia Herzi filme toujours avec une caméra qui tente de capter les émotions sur le vif et cherche une spontanéité et une sincérité dans les échanges. C’est souvent plus réussi que dans son précédent film, même si le scénario reste très classique. Elle amène un point de vue où les mecs sont recadrés à force d’être irrespectueux, mythos ou fainéants. En revanche, dès qu’elle revient à un cinéma kechichien, notamment avec le personnage de la fille et de ses copines, elle vire à une hystérie épuisante qui tourne à vide.

Le chaos du monde

Ce cinéma-vérité où personne ne s’écoute et ne se parle calmement est une ode au matriarcat qui doit beaucoup à l’interprétation toute en réserve d’Halima Benhamed. Hfsia Herzi sait diriger ses comédiens, souvent non professionnels, dans un récit bordélique qu’ils doivent habiter. La verve des dialogues est balancée comme autant de missiles dans un conflit de générations. Parfois, ça flirte avec l’overdose. Il faut tout le calme et la suavité de la mère pour apaiser la tonalité du film.

La cinéaste se veut observatrice avec une mise en scène qui ne cherche ni le glamour ni la dramatisation. C’est bien dans cette sobriété et cette simplicité que son cinéma cherche à s’épanouir, à défaut de s’émanciper de ses références. Il puise dans la mélancolie là où raisonne le chaos. Il cherche l’intime au-delà des égos. Entre famille de sang insupportable et famille choisie bienveillante, il y a de l’humanité qui envahit la brèche de ce film brut.