C’est la 75e édition du Festival de Cannes : 75 c’est symboliquement un jubilé diamant pour cet évènement autrefois appelé le FIF, soit le Festival International du Film de Cannes. Cette longévité de 75 ans (et le retour sur la Croisette durant le moi de Mai après 2 années perturbées par la pandémie) sera d’ailleurs célébrée de manière symbolique les journées du 24 et 25 mai avec la venue de nombreux cinéastes mis en lumière par Cannes.
En 2007 le 60e Festival de Cannes, autre anniversaire symbolique, avait eu comme film d’ouverture My Blueberry Nights de Wong Kar-Wai, soit un cinéaste chinois qui s’aventure dans une ballade américaine avec Norah Jones et Jude Law. En 1997, le 50e anniversaire du Festival avait ouvert avec Le Cinquième élément de Luc Besson, soit un cinéaste français à la conquête de l’espace des blockbusters américains avec, en megastar, Bruce Willis.
Le 75e Festival a choisi une comédie française, Coupez! de Michel Hazanavicius,. C’est en fait un remake du film japonais Ne coupez pas! de Shin’ichirō Ueda en 2017. Coupez! était certes attendu pour Cannes mais à priori plutôt en séance de minuit. On peut se réjouir que l’univers des zombies soit présent à Cannes de nouveau en ouverture, après ceux de Jim Jarmusch dans The Dead Don’t Die ayant ouvert Cannes 2019. Les zombies étaient d’ailleurs revenu à la vie à Cannes surtout en 2004 avec hors-compétition L’armée des morts de Zack Snyder, remake de Zombie de George A. Romero en 1978.
On peut se poser la question de la place d’un remake en ouverture de Cannes ?
Ne coupez pas! de Shin’ichirō Ueda était déjà un petit chef-d’oeuvre d’humour, c’est tant mieux si l’adaptation française de Michel Hazanavicius Coupez! rencontre un public différrent et plus large. Cependant proposer en ouverture du plus grand Festival de cinéma du monde un remake n’est pas forcément très original et un drôle de signal quand on défend l’originalité des auteurs-cinéastes. La question peut faire débat, mais la réponse de Cannes semble être : et pourquoi pas ?
En fait dans son histoire récente, Cannes avait déjà choisi des remakes comme films d’ouverture… En 2013 c’était Gatsby le Magnifique de Baz Luhrmann avec en vedette Leonardo DiCaprio, soit un remake du film de Jack Clayton avec Robert Redford en 1974 (qui était d’ailleurs alors déjà la 3e adaptation du roman après les films de Elliot Nugent en 1949 et de Herbert Brenon en 1926).
En 2003 l’ouverture c’était Fanfan la tulipe de Gérard Krawczyk avec Penelope Cruz (en tournage en ce moment, d’où son absence au jury), remake du film de Christian-Jaque avec Gina Lollobrigida en 1952. D’ailleurs cette année la programmation du ‘Cinéma de la plage’ a justement prévu le Fanfan la tulipe de Christian-Jaque dans une copie restaurée; et il y aura aussi Le pacte de loups de Christophe Gans qui avait été inspiré en partie par La bête du Gévaudan de Yves-André Hubert en 1967…
Un remake pourrait-il gagner la Palme d’or ? Cette année en compétition officielle pour une palme il y a EO de Jerzy Skolimowski qui est un remake de Au hasard Balthazar de Robert Bresson en 1966. En compétition officielle en 2010 il y avait The Housemaid de Im Sang-soo qui était un remake de La Servante de Kim Ki-young en 1960.
Il y a en fait bien pire qu’un remake : le requel, mix de remake et sequel, en fait une suite avec une nouvelle génération de personnages mais avec exactement la même trame narrative que l’original et un retour de sa vedette. Il y a déjà eu par exemple Star Wars, épisode VII: Le Réveil de la Force et Scream 5. Et, surprise, il y a d’ailleurs un requel à Cannes cette année : Top Gun: Maverick avec exactement la même histoire que l’original Top Gun d’un jeune pilote d’avion de chasse qui n’a pas fait le deuil de la mort de son père en mission et dont le comportement instable inquiète ses formateurs, sauf que cette fois Tom Cruise n’est plus l’élève mais l’instructeur…
Le remake s’est déjà infiltré dans les grands festivals et les cérémonies de remise de prix, quand il est porté par des grands talents qui ont sû y mettre une version à la fois plus moderne et aussi un peu de leur singularité personnelle. Martin Scorsese, Steven Spielberg ou Guillermo del Toro ont aussi réalisé des remakes. Alors pourquoi pas Michel Hazanavicius, habitué du festival depuis le succès de The Artist. Et ici Coupez! est un film sur une équipe de tournage qui justement essaie de réaliser un film avec un manque de moyens mais une grande passion, malgré les nombreux imprévus…, donc parfait comme film d’ouverture de ce 75ème Festival de Cannes.