Cannes 2022 | Coupez! : Michel Hazanavicius s’amuse avec une comédie méta et zombie

Cannes 2022 | Coupez! : Michel Hazanavicius s’amuse avec une comédie méta et zombie

Bienvenue à Zombieland ! Dans une sorte d’entrepôt où, il y a longtemps, des expériences militaires auraient été effectuées, selon une rumeur, il y a une jeune femme qui crie face à un zombie : elle ne hurle pas assez, ce qui rend de très mauvaise humeur le réalisateur de ce qui nous semble être un navet catégorie Z. Après une pause, le tournage du film recommence, mais cette fois-ci de vrais zombies arrivent… Film d’ouverture du festival de Cannes, cela nous rappelle étrangement Red is Dead, l’horrible film d’horreur qui sert de prétexte scénaristique à La cité de la peur de Les Nuls.

Ouverture du festival de Cannes 2022 
Coupez ! (Final Cut)
Réalisation et scénario : Michel Hazanavicius, d'après le scénario original de Shin'ichirō Ueda 
Musique : Alexandre Desplats
Durée : 1h51
Distribution : La Pan Européenne
Avec Romain Duris, Matilda Lutz, Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield, Luàna Bajrami, Gégroy Gadebois, Jean-Pascal Zadi

Dans la salle, il y aura deux types de spectateurs : ceux qui vont découvrir Coupez! la nouvelle comédie de Michel Hazanavicius, et ceux qui vont voir le remake du film japonais Ne coupez pas! de Shin’ichirō Ueda en 2017 et qui en connaissent déjà le concept. Et cela fonctionnera pour tous, c’est objectivement à la fois une comédie réussie et un bon remake. La structure du film et ses ressorts sont identiques : on est devant ce qui semble être un court métrage, sorte long plan-séquence d’environ une trentaine de minutes d’un film où l’on voit une équipe de film se défendre contre quelques zombies. Cette première partie est évidemment déconcertante : tout semble raté (dialogues, scénario, mise en scène), les acteurs jouent faux, certains plans paraissent complètement absurdes. Mais ce n’est que le résultat final d’un projet qui prend sa source un mois auparavant.

Coupez! prendre alors une autre direction pour expliquer la mise en production de ce film dans un long flash-back, expliquant ainsi comment on en est arrivé à ce casting et ce projet japonais tourné en France. Il s’agit de tourner un film de zombies en 1 seul plan-séquence sans couper, diffusé en même temps en direct sur une plateforme web. L’équipe de tournage doit gérer quantité de problèmes (dont des zombies ?) et rien ne se passe comme prévu… Et enfin, la troisième partie nous dévoile les coumisses du tournage en direct, un making-of qui justifie tous les ratages et toutes les astuces remarqués dans le film pour qu’il arrive au plan final.

Ne coupez pas! de Shin’ichirō Ueda était un petit film japonais fauché (environ 26000 dollars de budget) qui a eu un succès retentissant. S on rythme et son efficacité unique semblaient ne pas pouvoir ou devoir faire l’objet d’un remake. Pourtant Michel Hazanavicius s’y colle. Il est lui-même habitué et passionné par les pastiches (refaire de la comédie d’espionnage avec OSS 117, du film muet avec The Artist, du Jean-Luc Godard avec Le Redoutable).

La première réussite du scénario de Coupez! est justement d’y avoir intégré que le réalisateur joué par Romain Duris a reçu la commande de diriger lui-même un remake de Ne coupez pas! de la part d’une productrice japonaise (déjà dans le film original), jusqu’à l’obliger à utiliser les prénoms japonais. Ce qui accentue le ridicule. L’autre atout de Coupez! est son large casting qui regroupe une dizaine d’acteurs très différents les uns des autres (Grégory Gadebois, Jean-Pascal Zadi, excellents) qui ici renforcent certains gags, des rôles secondaires (Luàna Bajrami, Agnès Hurstel) aux principaux portés par Romain Duris, Bérénice Béjo (prix d’interprétation à Cannes prête à « ouvrir les culs de ces pourritures de zombies« ), Finnegan Oldfield et Matilda Lutz (révélée après avoir hurlé pleine de sang dans Revenge). Jouant le plus sérieusement du monde, les comédiens renforcent le décalage avec les situations burlesques (même les plus gores ou les plus lourdingues).

« Y a vraiment une ambiance bizarre sur ce tournage »

Tout comme l’original japonais, au début de Coupez!, il y a le risque d’être désemparé face à ce qui paraît être un film très bizarre (et même loupé), il suffit de savoir que ce début prendra une autre dimension pour rester jusqu’à son apothéose : une comédie loufoque avec des zombies peu crédibles qui réussit ) souder comédiens névrosés et techniciens aux divers maux pour former une même famille au nom du plan ultime. Les diverses péripéties du film doivent être révélées le moins possible pour garder les effets de surprise, mais c’est justement la révélation progressive du hors-champs qui est jouissive.

Michel Hazanavicius à son tour (après Shin’ichirō Ueda) s’amuse à faire un film de zombies avec une histoire où un réalisateur fait un film de zombies. Il y a dans Coupez! autant une mise en abîme savoureuse qu’un univers méta (quand fiction et réalité s’imbriquent) intriguant, et bien entendu c’est une joyeuse comédie. Car ce film méta où la fiction dans la fiction est consciemment référencée réussit son effet déroutant, à savoir celui de nous faire rire avec des losers psychotiques. Coupez! témoigne de la passion de faire du cinéma en amateur et peu importe les divers imprévus catastophiques. Comme entendu dans le film, si on n’est pas à l’abri d’un désastre, on n’est pas l’abri d’un miracle.