Mais quelle claque ! Aujourd’hui sur la Croisette, il valait mieux ne pas manquer la présentation de God’s Creatures d’Anna Rose Holmer et Saela Davis à la Quinzaine des Réalisateurs.
Le diable se cache dans les détails
Dans un village de pêcheurs irlandais, le quotidien d’une mère est bouleversé par le retour de son fils, parti vivre à l’étranger depuis des années. Mais ce retour change la donne bien au-delà du cadre familial lorsque celui-ci est accusé de viol.
Que se passe-t-il lorsque vous réalisez que votre enfant est un monstre ? Telle est la question que God’s Creatures semble poser pendant 1h36. Basé sur une histoire de Fodhla Cronin O’Reilly et adapté pour le cinéma par Shane Crowley, le film de Saela Davis (son premier) et Anna Rose Holmer (son deuxième) est une véritable pépite dramatique. Une longue descente aux enfers aussi perturbante pour Aileen, cette mère brillamment campée par Emily Watson, que pour le public qui, rapidement, ne sait pas où se mettre.
Survenant juste après la mort d’un pêcheur dont il était ami plus jeune, le retour de Brian (Paul Mescal) pose rapidement question. Sa mère n’en revient pas de le voir débarquer à des funérailles dont il ignorait la tenue. Sa soeur Erin (Toni O’Rourke) se demande instantanément comment quelqu’un qui a passé autant de temps sans donner de nouvelles peut revenir comme si de rien n’était. Tandis que le père Con (Declan Conlon) attend impatiemment de savoir quel mauvais tour sa progéniture leur prépare…
« Je veux que tu sortes de nos vies »
Si les retrouvailles entre Brian et Sarah (Aisling Franciosi) sont froides, rien ne présage de la noirceur qui s’apprête à s’abattre sur leur petit village suite à l’agression qu’elle va subir. Car loin de pouvoir être réduit au rang de « film féministe », God’s Creatures est avant tout un film d’utilité publique. Afin que celles et ceux qui en doutent encore comprennent comment et pourquoi nombre d’agressions sexuelles ne sont traitées que tardivement. Avec une cohérence folle, Saela Davis et Anna Rose Holme montrent comment une seule agression peut détruire toute une famille, voire toute une communauté.
Une mère qui veut protéger son enfant et refuse d’imaginer le pire. Une victime que l’on refuse de croire car elle a longtemps été dans une relation abusive. Un agresseur soutenu par ses pairs (des hommes) qui refusent d’être dérangés par ce qu’ils aimeraient appeler « une histoire de fesses mal résolue ». Et l’étroitesse d’esprit d’un village pour qui un « Elle doit parler » servirait de soutien à une éventuelle victime.
Escalade de la violence
Grâce à des mouvements de caméra volontairement lents et des plans rapprochés, God’s Creatures fait la part belle aux émotions délivrées par son incroyable casting. En c’est en questionnant la notion de morale à travers le personnage de la mère que le film surprend et dérange le plus. Car le public a tout le loisir d’imaginer les incessantes questions qui hantent celle qui est une femme avant d’être une mère.
Mais au fil des marées et des plans d’une grande beauté sur la mer agitée, l’on comprend que le pire est à venir. Car un mensonge en entraîne toujours d’autres. Avec force et conviction, les deux réalisatrices de God’s Creatures nous embarquent dans cette histoire qui n’a malheureusement rien d’extraordinaire.
On notera dès lors les remarquables performances de Aisling Franciosi, révélation du film, et de Paul Mescal, incontournable depuis le succès de la série Normal People. En d’autres termes, God’s Creatures est un drame psychologique imparable et dont on ressort bouleversé, désemparé et paradoxalement très satisfait. Le tout grâce à un plan séquence final qui met le doigt sur le plus important : la reconstruction de soi.
De Anna Rose Holmer, Saela Davis Scénario : Shane Crowley, Shane Crowley Durée : 1h 36min Genre : Drame Avec Emily Watson, Paul Mescal, Aisling Franciosi