Cannes 2022 | Hunt, thriller sud-coréen complexe et désenchanté

Cannes 2022 | Hunt, thriller sud-coréen complexe et désenchanté

Le thriller sud-coréen cannois de l’année nous plonge dans un complot dédoublé pour assassiner le président autoritaire pour ne pas dire dictatorial du pays vu ses pratiques très anti-démocratiques. Nous sommes dans les années 1980. Au milieu de ce noeud de vipères, la CIA américaine, des combattants nord-coréens, la sécurité intérieure et les renseignements secrets du pays. Le film conserve le bon tempo jusqu’à son épilogue désillusionné.

Hunt est une traque gigogne signée Lee Jung-jae. Une chasse à l’homme qui poursuit plusieurs cibles. Et en premier lieu une taupe qui informe les nord-coréens. Mais l’enquête révèle d’autres suspicions : d’etranges liens entre le chef de la sécurité intérieure (Jung Woo-sung) et un groupe industriel militaire, des rencontres entre ce même chef et la CIA américaine, un chef de la CIA coréenne (Lee Jung-jae lui-même) qui accumule les échecs lors déportations extérieures. L’étau se resserre ainsi sur les deux hommes qui se défient, se surveillent, s’accusent, à la fois rivaux rancuniers et traitres potentiels, dans un contexte géopolitique chaotique : manifestations étudiantes réprimées violemment par la police, guerre froide et anti-communiste, muselage des médias, tortures et emprisonnements arbitraires, impérialisme américain en Asie de l’est…

Dommage alors d’avoir créer un découpage aussi maladroit à certains moments, insérant des flash backs furtifs confus et d’autres perturbant la limpidité du récit. S’il tient bien le suspense et maîtrise bien le déroulé des révélations, Hunt apparait parfois inutilement complexe, se complaisant même dans un fatras de rebondissements retors, une accumulation d’intrigues secondaires et un tourbillon de fausses pistes.

Si on parvient à faire la lumière au fil des événements, qui permettent au scénario de se recentrer sur son enjeu, c’est avant tout les scènes d’action qui impressionnent et captent notre attention. Une fusillade dans Tokyo, une poursuite dans un théâtre à Washington, ou encore un carnage officiel en Thaïlande.

Ce grand mix de The President’s Last Bang, de La Taupe et de Heat, qui fait aussi écho à des films comme Les Infiltrés et Un crime dans la tête, n’hésite pas à piocher dans des séquences de bravoure entre deux scènes où la psychologie prend le dessus. Personne n’est blanc, et tout le monde a son coup à jouer pour s’innocenter de ses crimes.

Hunt démontre une affaire d’Etat qui se grippe avec des coups foireux, des coups de pression, des coups tordus, et même quelques coups de pute. Si on ne parvient pas à tout suivre, le coup d’après nous sauve la mise. Après tout les ennemis des ennemis sont des amis. Et quand la fin justifie n’importe quels moyens, la manière importe peu. L’ironie de l’histoire est bien d’avoir héroïser les salauds, jusqu’à les empêcher à accéder à une quelconque rédemption. Si Hunt aurait pu s’économiser quelques effets de narration dans cet Inception sans issue, il opère un magistral retournement de convention : tout le monde perd, sauf le vrai responsable du désastre.

Hunt
Festival de Cannes 2022 - Séance de minuit
Durée : 2h11
Réalisation : Lee Jung-jae
Scénario : Lee Jung-jae, Jo Seung-hee
Image : Lee Mo-gae
Musique : Chow Young-wuk
Distribution : The Jokers
Avec Lee Jung-Jae, Jung Woo-sung, Jeon Hye-jin, Heo Sung-tae.