Cannes 2022 | Pamfir ou le visage méconnu de l’Ukraine

Cannes 2022 | Pamfir ou le visage méconnu de l’Ukraine

Pour son premier long métrage de fiction, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk embarque la Croisette dans une tragédie familiale à la sauce Bullhead.


« Un péché pour certains, un gagne-pain pour d’autres »


A la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, Pamfir, force de la nature, retrouve femme et enfant après une longue absence. Mais lorsque son fils Nazar est mêlé à un incendie criminel, il est contraint de reprendre malgré lui ses activités de contrebandier. Quitte à mettre plus en jeu que la promesse faite à sa femme de rentrer dans le droit chemin.


A quoi reconnaît-on un grand film ? A sa structure, son casting, l’écriture de son scénario ou encore sa photographie ? Cette question, maintes fois posée, demeure aujourd’hui encore sans réponse ultime. Et c’est dans cet interstice que Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk surprend. Son Pamfir n’est pas un testament à l’Ukraine rurale mais bien un portrait sans fard (quoique fictionnel) de la détresse d’une population qui ne peut jamais se tourner vers ses autorités. Une population laissée à l’abandon et donc aux proies des caïds et du « quoi qu’il en coûte ».


Mais Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk ne s’arrête pas là. Pourquoi quand on peut aller plus loin ? sommes-nous tentés de nous demander. Car en mélangeant les genres (le drame familial, la tragédie grecque, le film social, le film de bandits, le film de mafieux), il propose un cocktail détonant et archi-testostéroné d’amour paternel. Viril et masculiniste à souhait, Pamfir ne souffre d’aucune longueur, d’aucun moment de répit. Peut-être parce que le quotidien de ceux qu’il dépeint est tel quel : sombre et dur. Mais il ne faut pas attendre le générique de fin pour comprendre que c’est une véritable bombe de cinéma que l’on nous offre là, un film qui plaira aux amateurs du genre mais pas que.


Sous des airs de drame sociologique, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk vient sans doute d’offrir à la Quinzaine des Réalisateurs son grand film de bandits. En effet, pendant 1h42, le réalisateur ukrainien, méconnu du grand public et pourtant adulé dans son pays natal, abat chacune de ses cartes avec une intelligence irrévérencieuse. Le tout grâce à une galerie de personnages toujours à la limite du fantasque et de l’improbable. Dans une région où la précarité est grandissante et la corruption est établie, le clan de Pamfir tente de faire profil bas. Mais cela ne peut suffire à faire taire les sirènes de l’entraide face au déshonneur éventuel.


Violent et parfaitement chorégraphié, Pamfir montre à voir un autre visage de l’Ukraine, plus humain, plus habité, plus authentique. Une réussite largement due au talent et au physique de son acteur principal, Oleksandr Yatsenyuk. Un nom qu’il nous faudra vite retenir tant on espère le revoir sur grand écran rapidement !

De Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk
Durée : 1h 42min 
Genre : Drame
Avec Oleksandr Yatsentyuk, Stanislav Potiak, Solomiya Kyrylova