Cannes 2022 | Revoir Paris, Virginie Efira fait chavirer la Quinzaine en victime des attentats pour Alice Winocour

Cannes 2022 | Revoir Paris, Virginie Efira fait chavirer la Quinzaine en victime des attentats pour Alice Winocour

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, le quatrième long métrage d’Alice Winocour est une lettre d’amour aux victimes des attentats de Paris.


« The most horrible day of my life » 


A Paris, Mia est prise dans un attentat dans une brasserie. Plusieurs mois après, incapable de reprendre le cours de sa vie, elle décide d’enquêter sur propre sa mémoire et de reconstruire les étapes de l’attaque afin de retrouver une forme de sérénité. 


Si l’ouverture de Revoir Paris laisse à penser que le jury a fait d’une pierre deux coups avec Un Beau Matin (Léa Seydoux et Virginie Efira incarnant toutes deux une traductrice parisienne issues d’un milieu aisé), il n’en est rien. Car après un présentation brève mais efficace présentation du quotidien de Mia (Virginie Efira), le ton change instantanément avec les premiers coups de feu — des déflagrations qui n’ont pas manqué de faire bondir le public de la Croisette. Et si les lieux changent, le rapprochement avec les attentats du 13 novembre 2015 est volontaire et inéluctable. Sans doute parce qu’Alice Winocour est familière du parcours de reconstruction des victimes (son frère a survécu à l’attaque du Bataclan).


Grâce à un scénario particulièrement intelligent où l’émotion est toujours authentique, et ce notamment grâce à une utilisation brillante de la musique (le plus souvent classique), Revoir Paris évite l’écueil de la simple reconstitution et va plus loin. En 1h45, la scénariste de Mustang nous emmène dans un Paris véridique, celui où « si les Sénégalais, les Maliens et les Sri-Lankais faisaient grève, on ne pourrait pas manger dans Paris ». Celui où sans papiers et traders, précarité et opulence, se croisent sans jamais se côtoyer. Seulement, face au drame, Alice Winocour abat les catégories sociales pour faire parler l’essentiel : l’être humain.


Une prise de risque payante car à de multiples reprises, au détour de témoignages d’autres victimes ainsi que de leurs proches impuissants, elle développe la notion de « diamant du trama ». Soit la faculté qu’a l’esprit à complètement bloquer certains événements pour se protéger d’atrocités supplémentaires qu’il refuse de revivre. Et c’est à ce moment-là que le personnage de Thomas (Benoît Magimel), autre survivant de l’attaque de la brasserie, devient essentiel. Le spectateur comprend dès lors la lourde nécessité pour Mia de comprendre, de remettre à leur place les pièces du puzzle, ainsi que les réticences de ce trader faussement dur à cuire qui se souvient de tout — alors qu’il souhaiterait l’inverse. 


Film choral que l’on n’avait pas vu venir, Revoir Paris déjoue scène après scène les pronostics pour aboutir sur un film choc, poignant et nécessaire. Pour ceux qui tentent difficilement de vivre « l’après » et ceux qui n’auraient pas conscience du temps nécessaire à toute reconstruction mentale et physique. Mais face aux évidences techniques (beau scénario, belle bande son, beaux choix de cadrages, etc.), c’est le trio d’acteurs principaux parfaitement dirigé et complété par le conjoint de Mia, Vincent (Grégoire Colin) qui fait la différence. A tel point que l’on voit difficilement comment Virginie Efira pourrait échapper à une nomination aux prochains César — rien que ça !


Trois ans après Proxima, Alice Winocour filme avec brio le travail de mémoire et la force qu’il faut pour avancer. L’émotion est là, les larmes aussi, il faut bien l’admettre. Un film à ne pas manquer !

Revoir Paris
Festival de Cannes 2022, Quinzaine des réalisateurs
Réalisation Alice Winocour
Scénario : Jean-Stéphane Bron, Alice Winocour
Sortie en salle : 7 septembre 2022
Distribution : Pathé
Durée : 1h45min 
Avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin