Cannes 2022 | Chronique d’une liaison passagère, drôle et délicate comédie sur le jeu de l’amour et du hasard

Cannes 2022 | Chronique d’une liaison passagère, drôle et délicate comédie sur le jeu de l’amour et du hasard

Déjà une vingtaine d’années que Emmanuel Mouret tourne de manière singulière autour du couple et des histoires d’amours plurielles, avec des dialogues finement écrits, élégants et délicats. Dans plusieurs de ces films c’est d’ailleurs lui-même qui joue le rôle du prétendant (Changement d’adresse, Un baiser, s’il vous plaît !, Fais-moi plaisir !, L’Art d’aimer, Caprice), affublé d’une certaine maladresse et d’un certain charme. Son dernier film, et d’ailleurs grand succès, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait était un large film choral avec plusieurs histoires croisées. Cette fois il revient à une dimension plus intimiste. C’est encore le classique schéma d’un homme et une femme, cette fois ayant déjà dans leurs bagages une famille et des enfants.

La première originalité de Chronique d’une liaison passagère est son point de départ, elle et lui se retrouve dans un bar car ils ont déjà échangé un baiser auparavant. La séduction a déjà eu lieu. C’est le moment du débrief : lui est marié et fidèle depuis 20 ans tandis qu’elle est récemment séparée. Elle l’invite à venir directement chez elle…

« Tu me désires pour la simple raison que je ne t’appartiens pas »

C’est le début d’une liaison, qui va évoluer. La chronique est rythmée par différentes dates de rendez-vous, aléatoires; tels que vendredi 28 fevrier, jeudi 12 mars, 19 mars, 26 mars, etc. Chaque nouvelle séquence est une scène entre elle et lui dans un lieu particulier : un bar, sa chambre à elle, une librairie, une chambre d’hôtel, un musée, une salle de sport, une autre maison… Quasiment un film conceptuel. Chaque discussion est une étape dans leur liaison et un nouveau questionnement sur la suite éventuelle. Entre eux, il y a des choses qui sont dites, des choses qui sont non-dites, des choses qui sont comprises, et des choses mal-comprises. Ensemble, ils font en sorte que cette relation reste passagère : pas de promesse ni d’engagement, ni de jalousie. Lui ne quitte pas sa femme, pendant qu’elle peut se laisser draguer par un homme plus jeune. Une liberté libertine qui questionne la monogamie et l’usure du couple.

« Avec elle je suis quelqu’un, avec toi je suis quelqu’un d’autre »

Comme souvent dans le cinéma d’Emmanuel Mouret il y a une différence de caractère entre l’homme et la femme. Son héros est souvent ébahi et étonné qu’il puisse séduire son héroïne, à la manière d’un Woody Allen face à Diane Keaton ou un Ben Stiller crushant sur Cameron Diaz. C’est le cas avec Chronique d’une liaison passagère dès sa première séquence très drôle. Vincent Macaigne est confus, hésitant jusqu’à se dévaloriser. Sandrine Kiberlain a beaucoup plus d’assurance, espiègle et audacieuse. Chaque scène repose sur des dialogues très drôles. Simulation et dissimulation se jouent de leurs sentiments et défient leurs principes. On peut se douter que cette liaison va prendre à un moment donné une nouvelle tournure inattendue…

Emmanuel Mouret propose ainsi une nouvelle comédie romantique primesautière dont il a le secret. On y trouve même une certaine transition du regard : la première moitié est plutôt du côté d’un ‘female gaze’ qui rayone. La femme est déterminante sur tout ce qui se produit. Puis on glisse ensuite vers un ‘male gaze’ où l’homme se lamente de ce qui pourrait s’arrêter. Le duo Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne semble tout à fait idéal pour donner le goût des délicieux phrasés de ce film, même si cet équilibre peut être chamboulé par les hasards de la vie et de la fragilité des sentiments.

Chronique d'une liaison passagère
Festival de Cannes 2022 - Cannes Première
Réalisation : Emmanuel Mouret
Scénario : Emmanuel Mouret, Pierre Giraud
Durée : 1h40
Distribution : Pyramide
sortie en salles le 14 septembre 2022
Avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet, Maxence Tual