Une française à Séoul. Ou plutôt une jeune femme d’origine coréenne, adoptée par des français, et qui revient au pays. Elle n’en connaît rien, ni des usages, ni de son histoire. Celle d’un enfant parmi les milliers qui ont migré à l’étranger… Forcément, elle détonne. C’est d’ailleurs ce qui frappe dans ce joli drame mélancolique et funambule de Davy Chou. Cette arythmie permanente où tous les échanges se font à contretemps, empêchant la fluidité de la communication entre une européenne paumée personnellement, égarée dans les méandres de son identité multiple de et sa famille d’origine, déboussolée de la revoir.
Le vertige de cette recherche du temps perdu est accentuée par la perte de repères de cette femme libre, cocasse, franche. La différence de caractères, de culture, de langue rendent certaines situations hilarantes. Tout comme le cinéaste sait insuffler quelques fulgurences quand il la filme en « européenne », moderne, nympho, alcoolo, junkie, fluide. Cela ne masque pourtant pas sa profonde tristesse, ce désenchantement qui l’a poussée à partir en Corée du sud, comme si elle était en quête d’un bout de soi amputé qui la freine dans son émancipation.
Davy Chou prend alors le risque de basculer, au risque du déséquilibre, dans un voyage plus intérieur et plus sombre. Un coup de mou qui se ressent dans le découpage et dans le ressenti. Comme si le film se perdait lui même dans cette incapacité à renouer le lien entre elle et sa famille native. Instable, Freddie oscille entre autodestruction et reconstruction. Il faut attendre les retrouvailles pudiques avec sa mère pour que le récit devienne enfin poignant, évacuant les artifices d’un scénario ralentit dans son élan.
Davy Chou assume alors la chronique individuelle et familiale, en misant sur le temps qui passe, ce temps nécessaire et patient pour que la maturité fasse son œuvre. Ce Retour à Séoul s’illumine alors avec une forme de réconciliation heureuse, mais fragile. D’autant que le film n’a plus grand chose à dire ou à montrer, laissant les conflits de côté, et s’enlisant dans un tempo de plus en plus lent jusqu’à nous plonger dans une forme de torpeur comateuse. Comme si Freddie avait du faire un choix entre sa vivacité un peu borderline d’une jeune française en colère et son apaisement prévisible d’une jeune coréenne presque accomplie.
Cela fait du film une œuvre à l’image de son personnage, bipolaire. Il faut tout le talent de son actrice, Park Ji-min, pour sauter avec aisance tous les obstacles et nous emporter dans cette glissade où l’intime est mis à l’épreuve. Pourtant, malgré la force dramatique que pouvait déployer cette histoire et une mise en scène sobre et délicate, Retour à Séoul finit relativement atone à force d’être convenu.