La tentation de Naples. Felice revient dans sa ville natale après 40 ans à vivre au Liban et en Egypte. Rien n’a trop changé. La violence reste pandémique. La crise sociale et économique perdure. Les vieux quartiers n’ont pas bougé. Au fil des jours, il retrouve les saveurs, les odeurs et les sensations de son pays. Le film de Mario Martone est une recherche du temps perdu, pour ne pas dire oublié. Une errance dans une ville dont il réapprend les codes, la langue et les rituels.
Cette errance aurait pu séduire si elle avait un but identifié. Las, Nostalgia ne trouve jamais la voie qui pourrait nous guider vers autre chose qu’un portrait d’un homme rongé par la culpabilité et cherchant le pardon. En ravivant le passé, il produit le bien (s’occuper de sa mère vieillissante, aider la communauté du prêtre Don Luigi) et réveille le mal (son ancien meilleur ami, boss violent et immoral d’une branche de la camorra). Entre deux cultures, deux religions, deux mondes (celui de l’église bienfaitrice et celui de la mafia menaçante), Felice n’est à sa place nulle part, et, en même temps, il est chez lui partout.
C’est un ange qui veut se confronter au diable. Et l’affrontement met du temps à arriver puisque le film emprunte trop de détours et propose trop de digressions, quitte à égarer le spectateur dans les méandres d’un labyrinthe dont on devine l’évidente issue, ou disons, plutôt l’impasse. Le film s’étire ainsi, ponctué de très belles séquences (le bain de la mère, la virée en moto, tous les flash backs en format carré) et de scènes plus pesantes et didactiques. Mario Martone trace ainsi ses lignes parallèles, de manière assez binaire, entre deux époques, entre une ville écrasée par la fatalité et un homme qui cherche à se libérer de son passé, entre une église qui palie les manquements de l’Etat et une pègre impitoyable qui étend ses tentacules sur les quartiers.
Nostalgia navigue entre bienveillance et violence, suavité et inquiétude, confession morale et explication amicale. On ne parvient jamais à séparer le grain de l’ivraie, l’essentiel de l’anecdotique. Il faut tout le talent génial de Pierfrancesco Favino (déjà grandiose dans Le traître) pour combler les faiblesses, remplir les vides et tenir les multiples arcs narratifs afin de donner une cohésion à ce puzzle manicchéen.
En poussant Felice dans les bras de sa mère puis du prêtre idéal puis finalement du funeste Oreste, le réalisateur ne réussit jamais à nous captiver de bout en bout. La rédemption de cet étranger bien naïf qui cherche à réparer ses erreurs nous indiffère peu à peu. Film noir et défaitiste, Nostalgia veut démontrer que la trahison a un prix, mais surtout que le mal du pays peut s’apparenter à une ivresse, quitte à sombrer dans l’inconscience et ne plus être sur ses gardes au moment fatal. Un peu comme le spectateur qui voit son esprit divaguer quand les images ne l’accrochent plus vraiment.
Nostalgia Festival de Cannes 2022 - Compétition Réalisation : Mario Martone Scénario : Mario Martone, Ippolita Di Majo, d'après un roman d'Ermanno Rea Image : Paolo Carnera Durée : 1h57 Distribution : ARP Sélection Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco Di Leva