Léonor Seraille revient sur la Croisette cinq ans après sa Caméra d’or pour Jeune femme, belle errance d’une fille paumée. Un petit frère empreinte le chemin d’une destinée familiale et sentimentale, autour d’une mère et de ses progénitures, ballotées au fil du temps de Paris à Rouen. C’est le quotidien d’une femme en voie d’émancipation (Annabelle Lengronne, parfaite et juste dans son rôle) tout autant que le portrait d’une immigrée qui cherche à s’intégrer.
La cinéaste étire son histoire sur une vingtaine d’années, avec des enfants grandissant, des compagnons différents, des ambitions changeantes. C’est une bonne mère (au début) mais c’est avant tout une femme libre. Un personnage charmeur forcément séduisant.
Un petit frère propose une vision profondément humaniste et touchante de l’immigration et de l’intégration à la française, rappelant Fatima de Philippe Faucon, notamment. Au nom de la liberté individuelle, cette mère se bat pour acquérir son droit à vivre comme elle l’entend, loin des jugements ou des injonctions de sa communauté. Si elle se heurte à ses propres erreurs (notamment les hommes avec qui elle couche), elle ne perd jamais sa dignité, même si, pour cela, elle doit affronter le regard réprobateur et l’ingratitude de ses enfants, qui incarnent, à ses yeux, sa véritable réussite.
Un récit déséquilibré
C’est cette différence de points de vue entre une mère persuadée d’avoir mené à bien sa barque sur le bon rivage et des enfants livrés à eux-mêmes et lui reprochant une forme d’égoïsme qui tend la fresque familiale vers un drame plus psychologique. Sans que ce soit réellement abouti. Le scénario manque parfois d’épaisseur alors que la caméra est toujours à la bonne hauteur. Les seconds-rôles sont trop inégaux, pour ne pas dire bâclés, pour donner du liant quand on sort du foyer.
Un petit frère reste attachant malgré tout. Parce que la mère, même si elle perd de sa superbe, est un personnage de caractère. Parce que le grand frère se perd. Parce que le cadet (Stéphane Bak) fait penser à tous ces enfants de la deuxième génération qui cherchent leur place (à la manière d’un Riad Sattouf dans L’Arabe du futur). Leur mal-être commun, mais pas identique, les font dérailler tour à tour.
Ces trois héros de la vie moderne, affrontant la toxicité de la société, du patriarcat, du racisme sytémique, auraient pu nous emporter loin et longtemps. Mais le récit s’alourdit de drames convenus et de clichés. En essayant d’être la plus objective possible sur ces trois destins contrariés, Léonor Seraille ne choisit pas son camp entre une femme affranchie, un fils retrouvant ses racines et un autre complètement intégré. La réalisatrice se met ainsi hors-sujet. Soit le titre est mensonger – puisqu’il s’agit bien de trois portraits distincts, comme trois chapitres d’une même histoire -, soit le petit frère était son point d’attache, l’illustration de la réussite et de l’éducation à la française – et dans ce cas, pourquoi nous dévier par tant de chemins sinueux pour en arriver à un épilogue un peu didactique.
Prometteur, le film s’égare trop souvent pour être complètement convainquant et émouvant.