Cannes 2022 | Stars at noon de Claire Denis : leur étoiles contraires

Cannes 2022 | Stars at noon de Claire Denis : leur étoiles contraires

Il semble y avoir d’emblée un malentendu sur Stars at noon, adaptation du roman du même nom de Denis Johnson, qui se présente comme un thriller romantique se déroulant de nos jours au Nicaragua. On comprend en effet très vite que la dimension politique (à l’origine l’histoire se déroule pendant la dictature sandiniste) n’intéresse pas Claire Denis. Pas plus que les ingrédients propres au thriller : action, suspense, tension… C’est comme si elle s’emparait du genre pour lui-même, c’est-à-dire en tant que concept, et jamais dans l’idée de l’incarner véritablement. 

Pour cela, elle joue sur les échos que l’intrigue trouve dans ce courant spécifique du cinéma, qui connut notamment un âge d’or dans les années 80, et se contente de poser les bases d’un récit qu’elle ne traitera pas, ou alors uniquement en creux. Son héroïne, interprétée avec beaucoup de charme par Margaret Qualley, est donc une journaliste américaine coincée au Nicaragua après un article ayant déplu au pouvoir. Privée de son passeport, et de dollars américains, elle en est réduite à se prostituer pour survivre. Sa rencontre avec un mystérieux Britannique, censé représenter une compagnie pétrolière, lui semble la porte de sortie idéale. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte – évidemment – qu’il pourrait aussi lui attirer pas mal d’ennuis. 

Il est très vite évident que c’est dans la relation entre les deux protagonistes que se situe le coeur du film. Tout ce qui y a trait (de la rencontre opportuniste traitée sur le mode de l’ironie au basculement dans la passion), habite le film. Il trouve là un rythme qui n’est peut-être pas celui attendu, mais qui dicte une toute autre approche. Magnifiant les temps de pause, d’errance ou de déambulation, bercée par la musique (hélas assez envahissante) des Tindersticks, Claire Denis ausculte l’alchimie des corps dans la moiteur poisseuse d’une chambre de motel minable, comme en suspension. 

Elle livre ainsi un polar lent et désoeuvré, baigné par la nonchalance, dans lequel la dimension romantique prend systématiquement le pas. Cela ne serait pas forcément un problème, si la réalisatrice ne se croyait pas paradoxalement obligée de reconnecter malgré tout à intervalles réguliers avec l’intrigue de départ, ponctuant son récit de scènes d’explication relativement absconses entre des personnages stéréotypés (l’agent de la CIA, le policier costaricain) et de moments d’éclats tout aussi convenus (le chauffeur de taxi assassiné, la voiture qui brûle). La dernière partie, notamment, traîne inutilement en longueur, avec des fins multiples qui se succèdent sans parvenir à saisir la perversité du basculement des sentiments. Comme dans une histoire d’amour qui touche à sa fin, mais ne sait pas s’arrêter à temps, on assiste dépité aux derniers soubresauts des deux futurs anciens amoureux qui semblent décidés à se faire le plus de mal possible.

Fiche technique
Stars at noon de Claire Denis (France, 2022, 2h15)
Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Benny Safdie, Danny Ramirez...
En compétition