Mascarade de Nicolas Bedos : l’arnaque aux sentiments

Mascarade de Nicolas Bedos : l’arnaque aux sentiments

Luxe, jalousie, et volupté : depuis ses débuts à l’écriture pour d’autres (théâtre, téléfilms, puis cinéma) et ensuite la mise-en-scène par lui-même de ses films (Monsieur et Madame Adelman, La belle époque) Nicolas Bedos navigue toujours autour des mêmes thèmes. Mais avec assez d’originalité pour surnager devant les autres, et même devenir un réalisateur recherché pour son habileté a proposer des films au potentiel de succès populaire (comme la suite OSS 117: Alerte rouge en Afrique noire avec Jean Dujardin). La belle époque ayant su brillamment mettre en valeur Daniel Auteuil et Fanny Ardant alors Nicolas Bedos avait quasiment carte blanche pour son 4ème film. Mascarade, présenté hors-compétition à ce Festival de Cannes 2022, se joue de nouveau dans les eaux troubles du luxe, de la jalousie, et de la volupté. Cette fois c’est autour d’un quatuor idéal au soleil de la côte d’azur. Isabelle Adjani en ancienne diva du cinéma, Pierre Niney en gigolo, Marine Vacth en arnaqueuse, et François Cluzet en agent immobilier. Tout ce petit monde va se croiser à la recherche d’une nouvelle jeunesse ou d’une nouvelle fortune…

Nicolas Bedos peut tout se permettre, même d’avoir dans des seconds-rôles Emmanuelle Devos, Laura Morante et Charles Berling. On pourra tout dire de ses films, mais Bedos propose des rôles en or où ses interprètes ont l’opportunité de briller. Pierre Niney fait le minet comme il sait si bien le faire et c’est autour de lui que toute la mascarade tourne, Marine Vacth n’a jamais été autant inrradiante que ici, François Cluzet récemment plusieurs fois décevant parvient cette fois à jouer de façon plus crédible, et Isabelle Adjani toujours en quête d’une résurrection se parodie avec complaisance. Les décors luxueux choisis de cette côte d’azur sont ceux où dans l’imaginaire collectif tout ce petit monde est riche, ou devenu nouveau-riche, ou supposé être riche, ou profiteur de la richesse des autres, ou convoite cette richesse.

Mascarade s’ouvre avec une négociation qui tourne mal et surtout un procès : chaque personnage qui arrive à la barre pour témoigner racontera au fur et à mesure cette histoire. On sait déjà qu’il y a eu une arnaque, on découvrira qu’il y en a eu plusieurs qui se sont mises en place entre les différents protagonistes. La narration joue d’ailleurs avec la chronologie entre passé et présent (c’était déjà le cas pour l’évolution de la relation amoureuse entre Monsieur et Madame Adelman, et pour la nostalgie des souvenirs de La belle époque), ce qui ici est particulièrement savoureux justement car il s’agit d’arnaque : qui est véritablement la victime de qui n’est pas forcément qui on croit…

 « C’est le mariage que tu vises ? Non, c’est le divorce. »

Décors de luxe, casting de prestige, dialogues cyniques, avec Mascarade Nicolas Bedos a réussi une comédie de moeurs savoureuse. Plusieurs séquences et transitions sont d’ailleurs filmées avec une certaine originalité, ça fait plaisir de voir certains plans cadrés avec un oeil de réalisateur derrière. La côte d’azur était déjà un territoire de cinéma qui installe un environnement de séductions et de combines (Et dieu créa la femme avec Brigitte Bardot et Jean-Louis Trintignant, La Baie des Anges avec Jeanne Moreau, La piscine avec Alain Delon et Romy Schneider…). C’est en quelque sorte dans une même lignée qui mélange affaires d’argent et affaires de coeurs que Mascarade arrive : le romantisme est ici une affaire qui se paye. Un couple peut en cacher un autre, et en trio comme en quatuor on y voit là une femme qui déclenche les passions et un homme qui les provoque. Un marivaudage piquant où tel est pris qui croyait prendre.

Mascarade
Festival de Cannes 2022 - hors compétition
Réalisation et scénario : Nicolas Bedos
Durée : 2h14
Distribution : Pathé
Avec Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet, Marine Vacth, Emmanuelle Devos, Laura Morante, Charles Berling