BIFFF 2022 : la masterclasse de John McTiernan

BIFFF 2022 : la masterclasse de John McTiernan

Dans le style bockbusters hollywoodiens avec de l’action spectaculaire, il y a peu de cinéastes qui ont enchaîné des films qui deviennent à la fois des gros succès à l’international des classiques du genre. John McTiernan est l’un de ceux-là avec, notamment, trois films à la suite dont tout le monde parle(ra) encore : Predator avec Arnold Schwarzenegger Piège de cristal avec Bruce Willis, qui a inauguré la saga Die Hard, et À la poursuite d’Octobre Rouge avec Sean Connery, sommet du double genre sous-marin et espionnage.

John McTiernan a reçu un hommage du BIFFF pour sa carrière, à propos de laquelle il a livré diverses anecdotes lors d’une masterclasse, rythmée par plusieurs extraits de ses films à partir desquels il a évoqué plusieurs souvenirs.

« J’ai vu des dizaines et des dizaines de fois La nuit américaine de François Truffaut quand j’étais jeune aspirant à devenir peut-être cinéaste, ça a été en quelque sorte ma formation pour apprendre comment se fabrique un film » a-t-il confié pour situer ses influences. Pas forcément le film auquel on penserait en voyant son cinéma…

Succession de succès

En 1986, il écrit et réalise Nomads avec le jeune Pierce Brosnan (alors acteur de télévision, loin d’être encore le James Bond qui ressucitera la franchise) et une créature démoniaque.

Nomads a été son unique scénario : « J’ai toujours été intéressé par l’anthropologie et l’étude d’autres cultures, ce n’est pas un hasard si le personnage du film est un anthropologiste. Pour mes films suivants, des studios m’ont proposé des projets et des scénarios, où j’ai fait un peu de rewriting dessus. Dernièrement j’ai eu du temps pour écrire. J’ai actuellement quatre idées de scénarios sur lesquels j’ai travaillé, dont n film de science-fiction. Si j’ai la chance de retravailler en tant que réalisateur j’ai donc ces quatre idées de films que j’aimerais faire, avant que je ne sois trop vieux pour ça.»

Mais c’est une autre créature extraterrestre mortelle, qui, en 1987, le place dans les cinéastes bankables : Predator avec Arnold Schwarzenegger.

Predator : « Une partie du film a été tournée dans une vraie jungle, et beaucoup de monde est tombé malade. Je peux vous assurer en effet que c’est le belge Jean-Claude Van Damme qui devait jouer le monstre extraterrestre. Ke ne savais pas vraiment qui il était car c’était un débutant à l’époque. Mais ça ne s’est pas fait, il est venu pour enfiler le costume et apparement lui ne savait pas vraiment qu’on ne le verrait pas du tout à l’image dans cet accoutrement. Il y a eu des malentendus et des désaccords entre la production et des agents artistiques. Arnold Schwarzenegger devenait un bon acteur, et même quand il n’était pas filmé par la caméra il était quand-même là, sur le plateau à côté. I n’était pas du genre à se poser dans sa loge comme le font d’autres stars.»

Dès lors, il passe du fantastique au thriller avec des héros virils (mais un peu fragiles, en tout cas vulnérables), qui vont devoir sauver des gens ou le monde : 1988, il grimpe les échelons du box office avec le fabuleux Piège de cristal (Die Hard) qui installe Bruce Willis en starn enfermé dans un gratte-ciel pris en otage.

Piège de cristal (Die Hard) : « Quand le scénario m’a été proposé, c’était un film différent, avec un héros en costume et plus âgé ,et quelques noms d’acteurs éventuels. J’ai fait en sorte que le héros soit changé, que soit un homme plus jeune venant de la working-class. C’est Joel Silver le producteur qui a suggéré le nom de Bruce Willis qui était alors un acteur peu connu, et dont les rares films avaient été plutôt des échecs. J’ai approuvé ce choix. Bruce semble être quelqu’un de tourmenté qui ne s’aime pas et qui, en même temps, est un petit malin: ça convenait bien pour le personnage. Au début du film j’ai filmé une courte scène où Bruce Willis ne fait quasiment rien mais avec un gros plan sur ses yeux et sur son regard, et cet ‘eye-contact’ est très important pour que les spectateurs sachent avec qui ils allaient suivre cet aventure. Dès le début d’un film, il faut être clair sur quel genre de type le héros va être, ce genre de gros plan sur le regard je l’ai utilisé aussi par la suite.»

En 1990, c’est À la poursuite d’Octobre Rouge où Sean Connery est cloitré dans un sous-marin durant la guerre froide.

À la poursuite d’Octobre Rouge : « Le studio développait depuis plusieurs années des scripts adaptés du roman de Tom Clancy. Différentes versions ont été écrites mais le projet n’avançait pas. Moi je trouvais que le livre était une des meilleures histoires navales, et finalement ça a avancé. Sean Connery était presque chauve, et lui n’avait aucun soucis à monter sa tête avec peu de cheveux sur le dessus. On a réfléchi à différentes apparences pour le personnages et finalement pour le choix d’une perruque. Il était ok avec ça tout en proposant une coiffure dans le style de Samuel Beckett, et c’est ce qu’on a fait.»

A partir de 1992, il tente des aventures moins performantes. Même quand Sean Coonery est en tête d’affiche de Medecine Man. Idem l’année suivante, quand il retrouve Arnold Schwarzenegger pourLast Action Hero, comédie mal comprise et pourtant cultissime.

Last Action Hero : « Arnold Schwarzenegger avait beaucoup d’humour et c’était l’occasion de le montrer. Le studio avait prévu une période d’environ sept mois pour que le film se fasse et pour caler une date de sortie une semaine après celle du Jurassic Park de Spielberg, et ça c’était stupide de leur part. Par ailleurs, il y a certaines choses dans ce film que j’aurais aimé faire mieux.»

Il reprend du service avec Bruce Willis, cette fois en duo avec Samuel L. Jackson, pour Une journée en enfer (Die Hard 3) en 1995. De quoi redorer son blason. En 1999, il enrôle Antonio Banderas pour Le 13ème Guerrier, charcuté par la production et castrant ainsi son potentiel de grand film. Dans la foulée, il signe ses retrouvailles avec Pierce Brosnan, désormais 007 très en vue, pour un remake de L’affaireThomas Crown entre arnaque et romance. Ça n’a pas le charme du premier, mais reconnaissons qu’il a su en faire un film moins maniéré et plus limpide, pour ne pas dire séduisant.

Pour ses films suivants, les scènes d’action seront moins spectaculaires, les scénarios qu’on lui propose de mettre en image sont moins intéressants et le succès plus trop au rendez-vous: en 2002 Rollerball , autre remake avec Jean Reno, ou en 2003 Basic, soit une enquête militaire avec John Travolta et Samuel L. Jackson. Plus tard une déplorable affaire d’écoutes téléphoniques de son producteur va le mener quelques mois en prison et l’éloigner des studios de production. Mais il rêve de revenir aux manettes d’un nouveau gros film… Predator tout comme Piège de cristal (Die Hard) ont d’ailleurs été suivi de multiples suites profitavles.

John McTiernan semble prêt redevenir réalisateur, dans l’attente qu’un studio lui confie un contrat et un budget. Malheureusement ça ne semble pas être d’actualité. « Si vous êtes un réalisateur sérieux, idéalement vous devez faire un film très différent du précédent » conseille-t-il.