BIFFF 2022 : la masterclasse de Barry Sonnenfeld

BIFFF 2022 : la masterclasse de Barry Sonnenfeld

On lui doit La Famille Addams, Get Shorty, Men in Black (et ses deux suites), Wild Wild West… Du bon blockbuster, fun et entraînant, souvent à l’humour un peu noir, digne des nineties. Barry Sonnenfeld est réalisateur mais aussi producteur, (The Ladykillers des frères Coen, Il était une fois…, et sa suite bientôt sur les écrans, avec Amy Adams) et avant tout ça il fut même directeur de la photographie pour Sang pour sang, Arizona Junior, Miller’s Crossing des frères Coen, Balance maman hors du train de Danny DeVito, Big de Penny Marshall, Quand Harry rencontre Sally et Misery de Rob Reiner… Soit un parcours de cinéma plein de succès pour Barry Sonnenfeld. Des histoires, il en a plein a raconter. au point de les coucher dans son autobiographie (‘Barry Sonnenfeld, Call Your Mother: Memoirs of a Neurotic Filmmaker‘).

Barry Sonnenfeld à une façon de filmer des histoires en mélangeant du spectaculaire et du grand-angle dans ses films, de la dérision et de l’action. Le BIFFF a rendu hommage à sa carrière et a proposé une masterclasse : une chose est sûre, c’est aussi un conteur bavard et très drôle à l’oral.

Dans sa filmographie il y a du thriller et du fantastique, mais pour autant il avoue qu’il a trop peur de regarder Shining ou L’exorciste. Il s’intéresse aux nouvelles technologies (Men in Black 3 est sorti en version 3D) et déplore une mauvaise utilisation générale du 4K pour filmer… Barry Sonnenfeld sait autant être ironique à propos des décideurs des studios (les ‘idiots studio executives‘) que de lui-même (‘I might sound old but…‘).

Voici un condensé de certains moments de cette conférence…

Formation à la New York University Film School : Quand j’étais jeune, je ne connaissais rien ou peu de choses au cinéma et aux films. En fait j’aimais écrire et j’aimais encore plus la photographie, je m’imaginais devenir photographe plus tard. Mes parents m’ont incité à m’inscrire en école de cinéma, et c’est là que j’ai appris toute sorte de choses sur les lentilles de caméra et d’autres choses qui m’ont fait devenir directeur de la photographie sur des films. Cette formation avait ceci de bénéfique qu’il fallait réaliser un film court en fin de cycle, et pas seulement être caméraman pour les autres. À mon école, il y avait Bill Pope qui lui est devenu un directeur de la photographie bien meilleur que moi, et QUI a été DP sur mon film de fin d’études. Plus tard il a fait les films de Sam Raimi dont des Spiderman et ceux des Wachowski dont les Matrix. Et plus tard encore on s’est retrouvé sur mon Men in black 3 que j’ai réalisé. Bien avant tout ça et c’était donc bien avant les caméras vidéo, je travaillais avec une caméra 16 mm : et un de mes premiers jobs a été de faire le caméraman pour 9 films pornographiques tournés en 9 jours. La caméra 16 mm c’est de la pellicule qui coûte cher, il y a aussi des frais de laboratoire, alors on apprend à économiser de la pellicule et à filmer efficace, du coup on doit être bien préparé avec le futur montage dans la tête.

Directeur de la photographie : Joel et Ethan Coen cherchaient quelqu’un pour filmer des scènes pour monter une bande-annonce de leur projet de film Blood Simple. Je l’ai fait. Ça devait leur servir de base pour chercher des financements… Et ils les ont eus. Ensuite ils ont fait ce film, où je suis donc devenu leur directeur de la photographie. Quand il y a eu une première version du film montée, les financiers n’ont pas aimé. Et d’ailleurs Joel et Ethan n’étaient pas satisfait non plus du résultat. Le film a été présenté dans un festival où il a reçu une bonne critique. Au final, ça a lancé la carrière des frères Coen et par ricochet la mienne. On a fait ensemble leur film suivant, Arizona Junior, qui était mieux. J’y ai fait certains mouvements de caméra assez astucieux qu’on ne fait plus du tout comme ça aujourd’hui et qui coûteraient bien plus cher à faire.

Réalisateur : Un jour le producteur Scott Rudin m’a envoyé un scénario qu’il voulait produire, il voulait mon avis sur différentes séquences car il y avait plein de choses complexes à filmer, c’était La Famille Addams. J’aimais bien ce scénario, et le studio n’arrivait pas à trouver le bon réalisateur pour ce projet. Apparemment Tim Burton (ndr : 30 ans plus tard il dirige la série dérivée, actuellement sur Netflix) et Terry Gilliam avaient été contactés, en vain. Ils m’ont alors proposé que je devienne le réalisateur de La Famille Addams. Je suis devenu réalisateur un peu comme directeur de la photo, en étant au bon endroit au bon moment. Un dirigeant de Paramount aimait bien La Famille Addams mais il a été remplacé par un autre qui lui n’aimait pas vraiment ce film… Quand il est sorti, c’est devenu un grand succès de 1991 (190M$ dan le monde). Dans le film il n’y a pas de CGI digital rajouté, la main qui marche toute seule est la vrai main d’un acteur-magicien dont le corps a été effacé. C’est mon premier film en tant que réalisateur, et il restera spécial pour toujours…

Mon film préféré est peut-être Get shorty. C’est une adaptation d’un roman de Elmore Leonard avec un bon scénario et des bons dialogue. Je dois le réaliser, mais on a un problème avec le rôle principal. On avait Warren Beatty en tête, après un rendez-vous avec lui je pense qu’il ne convient pas. Danny DeVito joue dedans mais il en est surtout le producteur avec sa société Jersey-Films, et justement en parallèle Jersey-Films produit aussi Pulp Fiction de Tarantino que personne n’a encore vu. Mais il y a John Travolta. Aussi Danny DeVito propose la star pour notre film Get shorty. On lui en parle mais Travolta n’aime pas trop notre projet et il le décline. C’est Tarantino qui lui aurait conseillé de le faire. John Travolta devient donc notre personnage principal. Après ce film Danny DeVito veut produire une autre adaptation d’un roman de Elmore Leonard avec moi à la réalisation et George Clooney comme acteur, mais ça a été proposé au final à Steven Soderbergh car moi je devais me concentrer sur mon autre projet Men in black. Je suis quand même resté producteur exécutif d’Hors d’atteinte, qui a relancé la carrière de Soderbergh.

Diriger des acteurs : J’ai plusieurs règles, lors du tournage. Comme faire dire aux acteurs leurs dialogues avec un rythme rapide, et ne pas avoir deux acteurs qui jouent sur un registre comique ensemble. Pendant le tournage de Men in black, Tommy Lee Jones voulait accentuer de manière drôle certaines de ses répliques, je lui ai dit non. Il fallait qu’il joue de manière très sérieuse; ça l’a un peu embêté sur le moment car Will Smith s’accaparait tout l’humour du film. Quand Tommy découvre le film terminé, il adore le résultat, et il dit quelque chose comme ‘le secret pour être drôle c’est d’être à côté de Will Smith et de faire tout de que Barry Sonnenfeld dit de faire’. Je pense qu’il ne faut pas forcément qu’un acteur joue à être drôle, c’est la scène qui doit être drôle. Wild wild west est justement l’exemple qu’il ne faut pas avoir deux acteurs qui font de l’humour ensemble. Kevin Kline a refuser de m’écouter et voulait jouer sur un registre comique, de plus il n’y avait pas vraiment d’alchimie entre lui et Will Smith. Le scénario n’était pas vraiment bon non plus, c’est mon film où il y a la plus de choses qu’il aurait fallu faire autrement…

A propos de son livre ‘Barry Sonnenfeld, Call Your Mother: Memoirs of a Neurotic Filmmaker‘, est-ce que ça pourrait devenir un film? Le cinéaste pense que ce n’est pas la chose la plus souhaitable mais que à ce sujet il y a eu une option dessus de la part de Rob Reiner : alors sait-on jamais…