En quelques mois, les reines de la Rom-com, aka Sandra Bullock et Julia Roberts, ont tenté de ressusciter le genre avec deux productions exotiques sorties au cinéma : The Lost City et Ticket to Paradise.
Mésaventures, cocotiers et bitcheries au menu. Que du classique pour ceux aiment le divertissement léger, les dialogues vachards, les situations cocasses, et la romance détournée. Il faut se rappeler que la comédie romantique a toujours été l’un des gros pourvoyeurs de recettes pour les studios hollywoodiens. D’autant plus rentable, qu’hormis les gros cachets pour les stars, ça ne coûte pas aussi cher à produire qu’un blockbuster à effets spéciaux.
Queens of the genre
Une trentaine de films du genre ont ainsi dépassé les 100M$ de recettes en Amérique du nord entre 1995 et 2020. Parmi eux Pretty Woman, Runaway Bride, My Best friend’s Wedding, Notting Hill, Valentine’s Day, tous avec Julia Roberts. Ce furent aussi de gros succès mondiaux : ces films ont tous récolté plus de 200M$ en cumulé. Ticket to Paradise devrait s’approcher du score de Valentine’s Day.
Sandra Bullock n’est pas en reste avec The proposal, While you were sleeping et Two Weeks notice, même si elle préfère la comédie d’action.
Cultes et populaires
On peut étendre le succès du genre avec des films britanniques comme Bridget Jones, Love Actually, Quatre mariages et un enterrement, ou avec des méga hits hollywoodiens et cultes comme Sleepless in Seattle, As good as it gets, What women want, When Harry Met Sally, ou Mary à tout prix, pour ne prendre que les plus « récents » et populaires. Plus loin dans le temps, It Happened One Night (1934), Bringing up Baby (1938), The Philadelphia Story (1940), The Shop auround the Corner (1940), Arsenic et vieilles dentelles (1944), Monkey Business (1952), Roman Holiday (1953), The Apartment (1960) ont tous été des énormes succès internationaux et souvent considérés comme la crème de la crème dans l’histoire du 7e art.
Mais si le genre est toujours extrêmement populaire en Chine, sur les plateformes et en rediffusion télévisée en Occident, il est devenu négligé par Hollywood. Il faut remonter à 2018 avec Crazy Rich Asians pour avoir une comédie romantique à succès au box office américain.
Deux scores mitigés
Aussi, nous attendions, légitimement, la renaissance du genre avec Bullock et Roberts. Côté quantitatif, c’est plutôt mitigé. The Lost City (Le secret de la cité perdue) avec Sandra, mais aussi Channing Tatum en bel idiot, Daniel Radcliffe en méchant et en guest Brad Pitt, a séduit 650 000 spectateurs en France (44e au classement annuel). Au total, il a récolté 190M$ dans le monde (dont plus de la moitié en Amérique du nord), soit la 24e meilleure performance de l’année 2022.
Ticket to Paradise, avec Julia, et George Clooney, a attiré 386 000 spectateurs en France (86e en 2022). Dans le monde, son box office atteint 168M$ (27e), dont les deux tiers réalisés hors USA. Cependant, le film a permis aux deux stars de franchir le cap du milliard de dollars de recettes en cinq films ensemble, et signe leur plus gros succès personnel en salles depuis plus de cinq ans.
Dans les deux cas, on reste loin de leurs triomphes d’antan. Et la rom-com ne semble plus être un genre plébiscité par le public qui va au cinéma.
Mais, surtout, c’est bien le charme vintage de retrouver la pétulante Bullock et le sourire à 32 dents de Roberts qui sauvent des scénarios plutôt moyens et des mises en scène flemmardes.
A la poursuite de Sandra Bullock
Rebooster la rom-com nécessite quand même un peu de sérieux, surtout quand deux stars oscarisées portent le récit. Commençons avec Le secret de la cité perdue, qui, dès le titre, ne sait pas s’il est un film d’aventure ou une comédie romanesque et romancée. Ce remake qui ne dit pas son nom d’A la poursuite du diamant vert pêche par son manque de rythme et son absence d’originalité. Puisqu’on évoque A la poursuite du diamant vert, summum du buddy-love-hate movie aventurier, on est surpris de constater autant de similitudes : le personnage féminin écrivain et dépressive, la quête d’un trésor caché au fin fond de la jungle, un riche cupide qui veut s’en emparer en utilisant la novice new yorkaise, etc. L’exception c’est le personnage masculin : on est passé du mâle roublard et un peu cynique au beau gosse idiot et amoureux. Forcément, ça fait moins d’étincelles… Le scénario déroule ainsi les mêmes étapes pour arriver à sa fin (et à ses fins), sans surprise, et avec de sérieux coups de mou. La dérision est là, mais jamais valorisée. Il manque un tempo et du mordant pour que le film s’élève au-dessus de la mêlée. Ce n’est pas rendre service aux acteurs qui cherchent à tout prix à jouer le second degré promis et espéré quand les plans tombent à plat.
Le film est distrayant et oubliable. La faute à un produit trop formaté et pas assez inspiré.
Very Bride Trip
Que dire de Ticket to Paradise? Le constat est identique. Entre Very Bad Trip II (on remplace la Thaïlande par Bali) et My Best Friend’s wedding (comment faire échouer un mariage), le film navigue en terrains (de jeu) déjà connus. Julia Roberts et George Clooney incarne un de ces couples mythiques du cinéma depuis Ocean’s 11 il y a plus de 20 ans. Ils font merveille, c’est évident. Leur alchimie jubilatoire empêche le film de sombrer corps et âmes dans l’ennui d’une histoire aussi classique que traditionnelle. Mais, on reste surpris malgré tout de la vision néocolonialiste portée sur les balinais, de certaines réactions « réacs » sur la liberté de la femme, et de la gênance produite par des séquences sans intérêt. Il faut tout le génie en comédie de Julia et George, quelques scènes où ils se lâchent dans l’inconvenance et le cynisme pour notre plus grande joie, afin qu’on pardonne relativement cette carte postale publicitaire pour un pays qui interdit l’adultère et l’homosexualité et qui n’a certainement pas besoin d’un tourisme de masse destructeur.
Copies pas vraiment originales
Dans les deux cas, ce n’est plus de la nostalgie qui nous traverse l’esprit. Ni la vieille recette de laquelle sort la bonne soupe pour cinéphiles en manque de madeleine de Proust : ici, un couple qui ne s’entend pas, la jungle exotique (sauvage ou civilisée), des coups foireux et des coups montés… Les deux films apparaissent avant tout comme une sorte de produit vintage de seconde main. On comprend mieux pourquoi ces deux films, malgré leurs stars, n’aient pas réussi à s’imposer davantage dans les salles.
C’est regrettable, car cela risque de compromettre le retour de ce genre d’histoires dans les salles. Les studios y verront un manque d’intérêt du public alors que ce sont tout simplement des scénarios et des réalisations médiocres qui ont causé leur relatif échec. Au moins, le star-système n’est pas tout à fait mort. Car sans Bullock, Tatum, Roberts et Clooney, ces deux rom-com auraient été des fiascos.