Les survivants, La montagne : pièges en haute-neige

Les survivants, La montagne : pièges en haute-neige

À un mois d’écart, deux films survivalistes en haute montagne sortent dans les salles. Certes, Les survivants de Guillaume Renusson et La Montagne de Thomas Salvador empreintent des chemins (escarpés) différents pour atteindre leur sommet. Mais dans les deux cas, les cimes enneigées, les pentes raides, la mort proche et la violence de la nature tissent un lien commun. Les Alpes, du nord ou du sud, françaises ou italiennes, sont filmées comme un monstre aussi fascinant que dangereux, aussi attirant que vertigineux.

Dans Les Survivants, un homme tranquille, qui cherche la paix dans son chalet isolé, voit surgir une jeune afghane qui veut se réfugier en France. Denis Ménochet est évidemment formidable dans le rôle de ce mec qui ne veut pas d’ennuis et qui va, par humanisme, aider cette femme en détresse (Zar Amir Ebrahimi, juste de bout en bout). Il va la guider jusqu’à la France. Mais leur périple s’annonce semé d’embûches : l’altitude, la météo, le froid ne sont pas en leur faveur. À cette hostilité naturelle s’ajoute une bande de jeunes extrêmistes xénophobes qui veulent « casser » du migrant.

Haute pression

Les survivants est un drame engagé, épuré et aride. On pourrait dire assez raide tant la violence des éléments (naturels) et des individus (abrutis) est frontale. Cette montée de tension progressive, et qui rend assez nerveux, passe ainsi de grands paysages possiblement meurtriers malgré leur beauté apparente pour s’achever sur un huis-clos angoissant et cogneur.

Avec habileté, Guillaume Renusson augmente la pression qui s’exerce sur les deux protagonistes, qui n’ont pas d’autres choix que de se rapprocher et s’entraider pour survivre. Rien d’original, mais assurément quelque chose de singulier tant le film vire presque au thriller (efficace et prenant) sans crier gare.

De la même manière, Thomas Salvador lui aussi se détourne des sentiers battus par les tempêtes de neige. Dans La montagne, film davantage comtemplatif et intériorisé, les massifs ne sont plus des paysages cathartiques comme dans Les survivants, où la part animale se réveille en nous, mais psycho-thérapeutiques, où l’inconscient se révèle à nous.

Cette fois-ci, c’est la femme (Louise Bourgoin, décidément trop rare) qui sauve l’homme (le réalisateur Thomas Salvador lui-même, sans pudeur) du vertige des cimes. Un cadre supérieur en plein burn-out, proche du licenciement, quitte tout pour entreprendre une randonnée en haute-altitude. Il s’y perd littéralement dans les deux sens du terme.

Son attirance pour la montagne l’aveugle au point d’en ignorer les dangers. Comme on peut avoir le mal des profondeurs dans les abysses, lui se retrouve ensorcelé par le mal de l’altitude, frôlant la mort à chaque erreur ou incident de débutant. L’appel de la montagne pourrait être fatal.

Vertiges de la mort

Dans la lignée de son premier, et précédent long métrage, Vincent n’a pas d’écailles, Thomas Salvador continue d’explorer une veine onirique, en insérant une dose de fantastique où l’humain, au contact de la nature, se métamorphose. Ici la transformation est minérale. Le corps fusionne avec d’étranges roches lumineuses et des glaciers. Un zest de surnaturel quand l’homme, tout à sa volonté de fuir le réel et la société, se laisse « avaler » par la montagne.

Cela produit de sublimes séquences, qui donnent un relief particulier à ce récit simple. Un voyage intime où l’humain est broyé, digéré, avant d’être rejeté, avec cet étrange pouvoir que lui a donné la nature.

Au milieu de cela, une histoire romantique sans accro, et qui ne se précipite pas. Il faut d’ailleurs que l’homme soit au bord du précipice pour que la liaison s’opère. Ici, les rôles sont inversés : c’est la princesse qui vient sauver le gentilhomme, et l’embrasser pour le faire revivre.

Tel un conte, La montagne de Thomas Salvador pourrait sembler une allégorie purement visuelle, avec un minimalisme verbal et sentimental, sur un homme dépressif, qui va sombrer dans l’oubli ou revenir par les humains. Econome dans sa narration, le cinéaste ne s’empêche pas de filmer ses paysages comme s’ils étaient des ogres splendides, magnifiques même, capables d’écraser toute misérable petite existence.

Ainsi Les survivants et La Montagne s’accordent sur le fait que ces décors naturels sont bien plus éternels et dominateurs que l’humain. Et dans les deux cas, l’individu s’en sort changé, bouleversé, différent, comme si l’épreuve initiatique leur ouvrait les yeux et réchauffait leurs cœurs.