Raphaël Quenard et Anthony Bajon extrêmement forts dans Chien de la casse

Raphaël Quenard et Anthony Bajon extrêmement forts dans Chien de la casse

Ce n’est peut-être pas le grand soir ni le grand film promis, mais c’est un drame social extrêmement subtil que propose Jean-Baptiste Durand. Chien de la casse s’inscrit dans la lignée des romans de Nicolas Mathieu : cette jeunesse provinciale désœuvrée qui tue le temps en espérant un avenir meilleur.

Dans cette Provence abandonnée, entre bistrots et lieux sans âmes, chacun traîne sa carcasse et comble l’ennui. Cette errance immobile joue sur les nerfs de chacun, entre grandes gueules et soumis. Des laissés pour compte qui n’ont pas d’autres loisirs que de combler le vide avec des mots, des rencontres ou des liens désespérement creux.

Chien de la casse ne s’abrite derrière aucun artifice. Le film est brut. La violence palpable. La colère rentrée. Les frustrations permanentes. C’est une affaire de bandes. On sent que tout peut déraper pour le moindre prétexte futile.

Le portrait d’une France oubliée par les institutions, et qui ne peut que se démerder par elle-même pour sembler exister. Le film prend alors la forme d’une psychanalyse des maux d’une société et des souffrances de chacun.

On pourrait croire que le film se complait dans cette vacuité. Mais Jean-Baptiste Durand cherche une voie un peu plus sinueuse pour amener le spectateur à porter un regard différent sur ces êtres faussement durs.

Les misérables

Malgré une dramaturgie ténue et une narration très simple, le réalisateur parvient à nous embarquer dans cette chronique d’une tragédie annoncée et nous faire aimer ces jeunes pas vraiment sociables. Car les contradictions des protagonistes, leur pudeur mal placée, leur bienveillance évidente permettent de déjouer les préjugés à leur égard. C’est toute la puissance du film : il n’y a rien de binaire. De l’amour pour une littérature pointue à la voisine pianiste, de la générosité à faire la cuisine à celle d’aider les pauvres vieux, le personnage principal, Mirales (Raphaël Quenard), s’avère même étonnament complexe. On ne peut que ressentir un sentiment de gâchis pour ce jeune homme plein de potentiel et résigné à rester dans son bled avec sa mère.

La solitude est omniprésente et pesante. Même pour son meilleur ami, Dog (Anthony Bajon), qui cherche malgré tout de la compagnie, entre deux parties de jeux vidéos. Leur relation presque fraternelle est attendrissante, malgré la dureté et la franchise qu’elle impose. Jean-Baptiste Durand touche juste dès que les deux s’affrontent, l’un dominateur et sans filtre, l’autre encaissant et mutique.

Chien de la casse est cru et ne cherche pas à séduire, même si l’épilogue permet une note d’espoir. Bien sûr, il y a de jolies séquences visuelles, et la lumière y fait baucoup.

Mais, le film trouve essentiellement sa force dans le duo d’acteurs, impeccables. Anthony Bajon ne dévie jamais de son personnage de taiseux enragé intérieurement. Evidemment, la révélation est du côté de Raphaël Quenard, dont la palette d’émotions immense se déploie sous nos yeux avec un rôle subtil et sur le fil. C’est leur alchimie mutuelle et leur charisme individuel qui permet à Chien de la casse d’éviter les sorties de route, la compassion bêtement condescendante et de transcender ce récit ordinaire et précaire en un conte de faits intriguant et touchant.