BIFFF 2023 : rencontre avec Roxane Mesquida, membre du jury

BIFFF 2023 : rencontre avec Roxane Mesquida, membre du jury

C’est votre première fois au BIFFF, ici en tant que membre du jury international. Quelles sont vos impressions en découvrant ce festival fantastique avec ce public très réactif pendant les séances ?

Je ne connaissais pas ce festival, alors qu’il y a eu plusieurs films dans lesquels j’ai joué qui y sont passés, comme Play or die, Kiss of the damned, Sheitan, Sennentuntschi… Bref, juste avant d’entrer dans la salle pour notre premier film en compétition, il y a Karim Ouelhaj, qui me dit : « je ne sais pas si on t’a prévenue mais c’est une ambiance spéciale, les gens s’expriment beaucoup durant les films« . Quand, sur l’écran il y a le générique du BIFFF avec le loup et que les gens font le bruit du loup, ça m’a mise direct dans l’ambiance. Moi j’adore. Il y a des réactions qui me font rire. Ça va me manquer quand j’irais au cinéma après. Surtout à Paris où les spectateurs ne font aucun bruit et où manger du pop-corn ce n’est pas bien. Au BIFFF j’adore la sélection qu’on a déjà vu avec autant de films très différents.

Déjà un coup de coeur perso à défendre avec les autres membres du jury ?
On n’a pas encore vu tout les films en compétition. Pour l’instant on est assez d’accord sur un des films qui, pour nous, se détache des autres, mais on a encore des films à voir…

Une bonne partie de votre filmographie compte ce qu’on appelle des ‘films de genre’, dont Rubber de Quentin Dupieux et Kaboom de Gregg Araki qui ont été au festival de Cannes, Kiss of the damned de Xan Cassavetes au festival de Venise, Malgré la nuit de Philippe Grandrieux au festival de Berlin...
Absolument, et heureusement que le cinéma fantastique circule dans ces endroits. Quand j’avais fait Sheitan, le public a adoré mais le film a été quand-même un peu snobé par les médias quand il est sorti. Depuis c’est devenu un film un peu culte en France. Les gens m’en parlent toujours des années plus tard, et là d’ailleurs au BIFFF on m’en parle beaucoup. Gregg Araki c’est un cinéma qui rentre dans plusieurs cases. Quentin Dupieux est quelqu’un qui a réussi à réconcilier le ‘cinéma de genre’ avec du cinéma moins ‘snobable’, si ça se dit. Maintenant en France les comédiens les plus connus ont envie de travailler avec lui. En France il y a beaucoup de gens qui ont un peu tendance à regarder de haut le ‘cinéma de genre’, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi.

Vous avez dit que «les tournages les plus confortables ne donnent pas forcément les meilleurs films»?
J’ai fait beaucoup de films dans des conditions pas du tout confortables, et ça me plaît. D’ailleurs pour Rubber, je me souviens que dès le premier jour de tournage, on a eu une tempête de sable. Quand les gens acceptent de travailler sur un film où il y a beaucoup d’argent ce n’est pas forcément pour les bonnes raisons. C’est plus pour la raison du salaire que pour un véritable amour du cinéma. Quand on accepte de faire un tout petit film où il n’y a pas assez d’argent ou peu d’argent, on est davantage dévoué au film. Pour revenir à Rubber, c’était un tout petit budget avec une toute petite équipe et c’était tourné avec un appareil-photo 5D. C’était roots de chez roots. Les gens étaient là parce qu’ils aimaient le projet et qu’ils avaient vraiment envie de le faire. Quand on aime vraiment le film sur lequel on est engagé, je trouve que ça se sent quand on voit le résultat.

Kiss of the damned

Quel film fantastique vous a fait très peur et que vous conseilleriez de voir absolument ?
C’est difficile parce que moi je ne met pas vraiment les films dans des catégories. J’ai déjà vu Alien dans un avion avec des turbulences, et dans ces conditions aussi ça fait peur. Je trouve que ce qui marche le mieux c’est quand on ne voit presque rien de la menace. Moins on en voit à l’image et plus ça fait peur. Faut pas en voir trop, sauf si c’est du second degré, et alors là il faut exagérer ce qui est montré pour que ça soit drôle. Mais moins on en voit et plus ça fait flipper. Je conseillerai par exemple Le projet Blair witch. Quand je l’ai vu, j’ai eu du mal à dormir après. Pour moi c’est un chef d’oeuvre, et d’ailleurs je crois qu’il avait été projeté à Cannes (ndr: sélection Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 1999, et Prix de la Jeunesse). On ne voit rien dans ce film, il n’y a pas d’effets spéciaux ni trucages, et c’est ça qui est génial. C’est un film qui ne vieillira pas. Je suis sûre qu’on peut le regarder aujourd’hui et avoir autant peur, parce que il n’y a pas d’effets spéciaux qui ont vieillis comme pour d’autres films. Le concept de caméra qui a été retrouvée est génial, du found-footage où on voit quelque chose qu’on n’est pas supposé voir. Le projet Blair witch c’est devenu un classique.

Quand on parle de cinéma fantastique on parle souvent de Corée du Sud, des Etats-Unis, du Japon par exemple, mais il y a toujours en France cette idée que c’est difficile à financer ou à distribuer
Il faudrait que les français soient moins snobs envers le ‘cinéma de genre’. Quand ils accepteront que le ‘cinéma de genre’ n’est pas du tout inférieur au ‘cinéma d’auteur’, alors ça sera plus facile d’en faire. Le cinéma français, c’est beaucoup du cinéma d’auteur, du drame, du sociétal. Mais sans une réelle tradition d’utilisation des effets spéciaux ou des cascades. Je trouve que ça change, il y a un peu plus de films de genre qui se font. J’espère que ça sera plus facile d’en faire à l’avenir.