Il y a peu de cinéastes originaires du Tibet, et depuis ce 8 mai 2023 le plus connu d’entre eux n’est plus de ce monde. Pema Tseden est mort à l’âge de 53 ans, quelques années après son arrestation par les autorités chinoises qui ne cessent de persécuter les minorités ethniques sans fondements réells, et l’hospitalisation qui avait suivi cet emprisonnement. Paradoxalement, les festivals et académies chinoises n’ont cessé de récompenser son travail au fil des ans.
Sacré deux fois Cyclo d’or au Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul (photo de Jean-François Maillot pour le FICA de Vesoul ci-dessus), il a été instituteur, traducteur, écrivain (des nouvelles ayant d’ailleurs été traduites et publiées en France, dont certaines seront adaptées au cinéma par lui-même comme Tharlo ou Balloon), mais aussi scénariste, réalisateur et producteur. Il était d’ailleurs un producteur très actif, y compris de courts métrages, avec plusieurs films en cours de finalisation au moment de sa mort. L’an denrier, il avait achevé son dernier long métrage, Snow Leopard, avec Jinpa, Xiong Ziqi and Tseten Tashi.
Son film Le Silence des pierres sacrées le fait connaître et reconnaître : il évoque des aspects de la culture tibétaine en train de se perdre dans la colonisation chinoise. Malgré ça, le festival international de Shanghai sélectionne ses films : Le Silence des pierres sacrées, Sur la route, The Sacred Arrow. Ses films deviennent de plus en plus visibles à l’international avec des projections dans les grands festivals de Busan et de Toronto. Sur la route est sélectionné au festival de Locarno et le nom de Pema Tseden commence à circuler en Europe.
En 2012 le festival de La Rochelle lui rend (déjà) un hommage. Parmis ses films les plus récents Pema Tseden compte trois grands succès ayant été sélectionnés par le festival de Venise et ayant connu une sortie (remrquée) en France : Tharlo, Jinpa et Balloon.
Le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul avait programmé ses films à plusieurs reprises, et Pema Tseden a été même été sacré deux fois Cyclo d’or du FICA de Vesoul avec Tharlo en 2017 (son film le plus primé dans le monde) et Jinpa en 2019.
Pour Tharlo le jury, présidé par Im Sang-soo avait été impressionnés par « ce portrait d’une vie triviale solitaire, par ses qualités cinématographiques, son traitement délicat de la définition de l’identité à travers son personnage principal ».
D’autres grands cinéastes asiatiques ont d’ailleurs témoigné de leur admiration pour les films de Pema Tseden, comme Jia Zhangke et Wong Kar-wai (qui a d’ailleurs contribué à la production de Jinpa). En 2020, Pema Tseden avait été ensuite le président du jury du festival de Vesoul, tout en y présentant Balloon et même l’intégrale de ses films (y compris ceux jamais vus en Europe).
Dans cette filmographie, on souligne une empathie pour les marginaux et ceux qui défient un modernisme aliénant, écrasant même les traditions et la culture des peuples. On peut aussi remarquer un lien symbiotique avec les paysages. Pema Tseden avait un sens du cadrage et du découpage qui incitait à la contemplation, pour ne pas dire la méditation, avec des paysages grandioses, entre montagnes immenses, hauts plateaux désertiques, routes perdues dans l’infini et villages survivalistes.
C’est dans ce lien entre l’homme et la nature que son cinéma a éclos, en offrant des images d’une splendeur intrigante et des récits humanistes universels. Mais, en arrière-plan, le cinéaste rappelait que le Tibet vu par les occidentaux n’est qu’un mythe rempli de clichés. Lucide, il savait qu’à défaut de lutter contre ce modernisme et cette sinisation, ses films pouvaient être vus comme une mémoire d’une culture en voie d’extinction. Une œuvre qui apparaît aujourd’hui comme un mausolée.
Quelques images de ses derniers films, disponibles en dvd :
Tharlo, le berger tibétain – sortie en salles le 3 janvier 2018 : Tharlo est un berger tibétain qui mène une existence paisible dans la montagne, éloigné des réalités du monde. A l’aune de ses quarante ans, il est convoqué par les autorités locales. Les nouvelles directives du gouvernement imposent la possession d’une carte d’identité pour tous les citoyens de la République Populaire de Chine.
Jinpa, un conte tibétain – sortie en salles le 16 février 2020 : Sur une route solitaire traversant les vastes plaines dénudées du Tibet, un camionneur qui avait écrasé un mouton par accident prend un jeune homme en stop. Au cours de la conversation qui s’engage entre eux, le chauffeur remarque que son nouvel ami a un poignard en argent attaché à la jambe et apprend que cet homme se prépare à tuer quelqu’un qui lui a fait du tort à un moment donné de sa vie. A l’instant où il dépose l’auto- stoppeur à un embranchement, le camionneur ne se doute aucunement que les brefs moments qu’ils ont partagés vont tout changer pour l’un comme pour l’autre et que leurs destins sont désormais imbriqués à jamais.
Balloon – sortie en salles le 26 mais 2021 : Au cœur des étendues tibétaines, Drolkar et son mari élèvent des brebis, tout en veillant sur leurs trois fils. En réaction à la politique de l’enfant unique imposée par Pékin, elle s’initie en secret à la contraception, pratique taboue dans cette communauté traditionnelle. La maigre réserve de préservatifs qu’elle se procure au compte-gouttes devient alors son bien le plus précieux. Le jour où elle surprend ses enfants en train de jouer dehors avec les « ballons » volés sous son oreiller, Drolkar sait aussitôt qu’elle va devoir tout affronter : les reproches des aînés, le poids de la tradition, le regard des hommes. Et une naissance à venir…