Indiana Jones a plus de quarante de cinéma, et son incarnation, Harrison Ford, le double. Le temps passe et nous voici plonger dans une faille temporelle, que n’aurait pas renié Archimède, qui nous ramène aux origines de la saga pour un grand voyage sans temps morts.
Car, ce cinquième opus de l’archéologue aventurier, et le premier qui n’est pas filmé par Steven Spielberg, tient ses promesses en matière de divertissement. L’action et l’humour, à défaut d’être novateur sont toujours au rendez-vous. Mais les scénaristes ont ajouté une grosse dose de références et de nostalgie pour combler de plaisir les fans de la franchise.
« On m’a dit que tu étais revenu. Es-tu revenu, Indy? »
Indiana Jones et le cadran de la destinée est là pour boucler la boucle, afin d’offrir à son interprète une belle porte de sortie. Quand lui joue les chasseurs de trésor, le spectateur se réjouit de revoir ses reliques (le fouet, le Stetson) et de retrouver ses répliques. Tout au long du récit, des petits cailloux sont posés pour nous remémorer une scène d’un des épisodes précédents. De quoi réjouir les accros, qui reconnaîtront ici et là des mentions aux Aventuriers de l’Arche perdue (avec en guest John Rhys-Davis, éternel Sallah), au Temple maudit (le sang de Kâli), à la Dernière croisade (une photo de Sean Connery), ou Le royaume du crâne de cristal (la destinée de son fils Henry Jones). Sans oublier un autre fil conducteur, le personnage de Marion Ravenwood (Karen Allen). Tout cela donne une cohésion à l’ensemble des cinq films. Comme si ces récits épars étaient un puzzle enfin complété. Jusqu’à ce tendre épilogue où une scène culte du premier film est répétée (mais inversée). James Mangold a assuré le « job » pas évident de remplacer Spielberg.
Et puis on retrouve les Nazis. « Trop de nazis » dirait le héros. Présents dans les épisodes I et III, avouons-le, ce sont les meilleurs ennemis d’Indy. Cela rend le film aussi régressif que jubilatoire, avec un Mads Mikkelsen qui se régale en traître germano-américain obsédé par la défaite de son Führer. Si Indiana Jones « aime être seul » comme il le clame au début du film, et s’il est trop vieux pour toutes ces conneries, il n’a rien perdu de sa vigueur et de son panache.
« Hier nous appartient »
Dans une première séquence, longue, mouvementée et frénétique, on le revoit jeune, par la magie des effets visuels (le deaging). Pour une fois cela a un sens, puisque l’histoire démarre après Les aventuriers de l’Arche perdue. Et ça fonctionne. On a réellement l’impression de retrouver le Ford des années 80. L’effet vintage nous embarque immédiatement dans ce tourbillon « abracadabantesque » où l’enjeu est de retrouver l’Antikythera d’Archimède, capable de voyager dans le temps (spoiler : on peut remonter loin). Avec le bon vieux système de cartes géographiques à l’écran, on passe ainsi des Alpes à New York, de Tanger à la mer Egée, pour arriver à destination quelque part en Méditerranée. Ponctuée d’énigmes à la Da Vinci Code, cette course-poursuite permanente laisse pourtant de furtives périodes de répit pour comprendre les actes et les motivations de chacun.
Et ici, pas d’embrouilles. Tout le monde assume son sale caractère, ses névroses et ses ambitions. Tous sont des voleurs patentés. Si bien que la filleule du Pr Jones, Helena Shaw (Phoebe Waller-Bridge, qui autant de punch que de poing), est présentée d’entrée comme une femme qui ne vise que l’argent et se fiche de la moralité de ses actes. Ce qui donne un certain piquant au duo, en plus de son humour « british » et de sa jolie relation complice avec Teddy (le jeune français Ethann Isidore, lointain « cousin » cinématographique de Demi-Lune).
Même les légendes ont une fin…
Car si on apprécie autant Indiana Jones depuis quatre décennies, c’est aussi pour son répondant, son sens de la dérision, cette propension à ne pas forcément faire les bon choix et bien sûr sa chance incroyable et sa crânerie pour se sortir de situations impossibles. Tous les ingrédients y sont pour multiplier les rebondissements, prolonger les scènes d’action jusqu’à la comédie (empruntant au passage à Spielberg la course-poursuite de Tintin quand Indy est à Tanger). Harrison Ford, même en calebute, le corps encore sculpté et le visage bien crevassé, garde ce sourire en coin qui fait la marque de fabrique de son héros face à l’adversité.
« Vous êtes allemand, Voller. N’essayez pas d’être drôle. »
Pendant que le monde regarde la Lune et se prend de passion pour les héros de l’Espace (les astronautes), lui se débat dans un autre univers, rempli de vieilleries et d’antiquités, de tuk-tuk et de side-cars, de langues mortes et de grande Histoire. Mais la réalisation de Mangold sait encore transformer un héros d’antan et poussiéreux, carburant au whiskey-café dès le matin, en icône cinématographique, capable de survivre à n’importe quel défi dès lors qu’il est obsédé par une quête ou un devoir. Quelque part, capable de survivre aux héros des temps modernes comme ceux de Marvel ou des espions bourrés de technologies.
Le film s’amuse ainsi à le faire combattre sur un train, prendre un cheval dans le métro new yorkais, plonger dans les abysses (avec Antonio Banderas) pour affronter des murènes, ces serpents (tiens, tiens) de mer agressifs, ou sauver des orphelins quitte à se prendre des coups ou des balles. C’est haletant et spectaculaire, touchant et drôle, délirant et déchaîné. De quoi offrir à l’archéologue une très belle retraite plutôt qu’une place au musée.
Rappelons-le : « Aux vainqueurs, le butin!« . Et Indiana Jones n’a finalement qu’un seul trésor à remporter : celui de la surprise finale. And, « Yes it hurts. »