Cannes 2023 | Mon ami robot (Robot Dreams) : une fable tendre pour ce Pablo Berger et son chien

Cannes 2023 | Mon ami robot (Robot Dreams) : une fable tendre pour ce Pablo Berger et son chien

Pour sa première incursion dans l’animation, le cinéaste espagnol Pablo Berger, à qui l’on doit le très beau Blancanieves, film muet en noir et blanc, a choisit un procédé assez similaire une histoire sans paroles, mais tout en couleurs (et en musique).

Avec une certaine appétence pour un univers (2D) vintage, celui du New York des années 1980, Robot Dreams conte une très belle histoire d’amitié entre un chien ordinaire, célibataire, terriblement solitaire, et un robot construit (par Berger Corp.) pour devenir un ami domestique.

Dans ce zoo à ciel ouvert (nul humain, juste des animaux) où la seule représentation vaguement humanoïde est celle de ces robots fidèles et serviables, Pablo Berger se fraye un chemin dans une jungle spéciste pour se promener entre divers univers nostalgiques : les jeux-vidéos préhistoriques et graphiquement basiques, le roller disco, les chaînes hi-fi maousse-costauds, les vieux films en bonbons pour chiller.

Fable sentimentale

Robot Dreams, comme Le magicien d’Oz, est une odyssée amicale improbable dans un voyage hors du temps. Mais ici le paysage est routinier et réaliste : Manhattan et les plages de Long Island. Ce qui charme très vite le spectateur est l’apparente simplicité du dessin au service d’un récit tout aussi élémentaire.

Ce serait sans compter sur une mise en scène plus audacieuse qu’il n’y paraît. Pablo Berger multiplie les changements d’angle, la caméra subjective et les ellipses avec une belle maîtrise. De cette comédie douce amère et touchante, le cinéaste tire une fable dont la fluidité narrative impressionne. Le scénario, très convenu mais ponctué de jolies trouvailles humoristiques, se joue des clichés d’une amitié parfaite pour nous emmener dans une parenthèse désenchantée : le robot est coincé durant un long hiver sur une plage. Et son propriétaire va vouloir le récupérer, malgré les embûches. Une obsession presque aliénante qui conduit le film vers le pur cartoon à l’ancienne. Ainsi, avec une belle harmonie, on alterne le réel (bien contrariant) de l’animal un peu loser et les rêves du robot (qui tournent à chaque fois au cauchemar).

Conte doux-amer

Pourtant la séparation, aussi déchirante soit-elle, ne parvient pas à déclencher le mélodrame anticipé. L’émotion est contenue. Tout comme le rythme est relativement monotone. Heureusement, Robot Dreams n’est pas qu’un joli film sentimental doté d’un univers singulier. Il est intrasèquement déjanté, fourmillant de petites idées déglinguées insufflées discrètement et délicatement. Surtout, il se laisse porter par son histoire tendre et sensible.

Aussi, entre quelques références (Frankenstein, Stephen King) et quelques clins d’oeil en arrière plan, Pablo Berger nous embarque dans un final parfaitement construit où là encore rêve et réalité se mélangent dans un joyeux fantasme. Dans son élan, le film dessine plusieurs destins possibles. Mais c’est un épilogue à la Demy, pas loin d’Elle et Lui, qui va s’imposer.

Car contrairement aux amis, un robot, aussi doué de conscience soit-il, n’est qu’une machine. On le savait déjà avec son cousin américain (et chef d’œuvre), Le géant de fer. Parfois, il faut accepter le (mauvais) sort et avancer vers sa nouvelle vie… Les rêves ne sont finalement pas la réalité. Mais ils l’embellisent, comme le cinéma peut émerveiller notre horizon.

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