Cannes 2023 | Firebrand (Le jeu de la reine) : une affaire #MeToo chez les Tudors

Cannes 2023 | Firebrand (Le jeu de la reine) : une affaire #MeToo chez les Tudors

Quatre ans après La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, prix Un certain regard, Karim Aïnouz change de registre avec un fim biographique historique. La sensibilité du réalisateur brésilien nous séduit depuis longtemps. En prenant un casting anglophone et starisé, un sujet nécessitant costumes d’époque et tournage dans un pays qui lui est étranger, il s’aventure sur un territoire propre à plaire aux anglo-saxons.

Cependant, il y perd une certaine authenticité, pour ne pas dire le charme de son cinéma, en mettant en scène de façon très académique l’histoire de Catherine Parr, dernière épouse de l’ogre Henry VIII (qui a inspiré de nombreux films et séries, à commencer par Les Tudors).

On voit bien ce qui l’a intéressé dans le personnage de cette Reine pas comme les autres, érudite, réformatrice et intellectuelle. Une femme avant-gardiste pour son époque, qui a pu exercer le pouvoir en tant que régente durant quelques mois, et qui a réussi l’exploit de n’être ni bannie, ni exécutée.

Clairement, ce n’est pas la véracité des faits historiques qui l’intéressent, mais bien le portrait d’une femme combattant un patriarcat toxique et brutal. En racontant l’histoire du point de vue féminin – c’est d’aileurs la voix de la future Elisabeth Ire qui ouvre et clôt le film -, Karim Aïnouz cherche à réparer une forme d’invisibilisation des femmes dans l’Histoire. La grande Histoire, dont on ne retient que les hommes, les guerres, les pandémies…

« Si nous doutons d’un prêtre, de qui d’autre peut-on douter? De tout! »

Alicia Vikander endosse avec grâce le rôle de la Reine balottée par les complots de la Cour, la lâcheté des élites et les humeurs de son époux, incarné par un Jude Law ogresque, méconnaissable et fascinant. Le scénario nous fait vivre son grand huit émotionnel. Il faut dire qu’il ne la ménage pas : elle est constamment menacée, sauvée, repêchée, épiée. On la croit sauvée quand elle est enceinte. Un héritier est une assurance-vie (quoique). On la croit perdue quand son amant la trahit. Finalement, seul le décès de ce roi usé, vieilli, fatigué, obèse, malade pourrait lui être salutaire…

Manichéen

C’est un duel assez binaire qui nous est proposé : les femmes (Catherine, Elisabeth, Marie) contre les hommes (Henry, Gardiner, les Seymour). Bien sûr, elles finiront pas conquérir le pouvoir, non sans souffrance. Mais ici, le cinéaste se concentre sur une relation conjugale violente, autoritaire, traumatisante. Il s’y complaît aussi. Dans une forme de didactisme visuel, et sans réelle subtilité, il montre ostensiblement les outrages du Roi et les humiliations de la Reine, de la scène dérangeante du viol à celle du collier dans la bouche.

Si le film ne manque ni d’intensité, ni de rythme, ni même d’incarnation, les jeux de pouvoir semblent déjà vus et dévient l’histoire de sa ligne directrice : l’emprise et de la paranoïa d’un Roi concentrant tous les pouvoirs.

En se focalisant sur les trois dernières années du règne d’Henry VIII, Karim Aïnouz signe un film post #MeToo convenu et classique, presque désuet. Firebrand est trop lisse et caricatural pour nous révolter. Reste alors la beauté de l’image et des décors, qui rappelle des peintures flamandes, ou la mort du Roi, filmée avec les couleurs de Judith décapitant Holopherne du Caravage. La Reine a fait échec et mat. Et désormais, revoyons la suite de cette chronologie monarchique avec l’autrement plus flamboyant Elizabeth de Shekhar Kapur…