Cannes 2023 | Acide : une pluie d’enfer

Cannes 2023 | Acide : une pluie d’enfer

Il n’y a pas si longtemps, environ une dizaine d’années, Hollywood proposait des films-catastrophes où les changements climatiques étaient alors moins un avertissement que du divertissement, voire de la science-fiction avec des tornades gigantesques, des tsunamis phénoménaux, des fontes de glaces polaires époustoufflantes ou même une glaciation inattendue et destructrice… Une éventuelle et spectaculaire fin du monde – comme dans Le jour d’après de Roland Emmerich – s’apparente hélais à une réalité de plus en plus présente. Désormais l’apocalypse n’est plus une chimère. Don’t Look Up a marqué un tournant. On ne rigole plus avec l’extinction. On peut désormais croire à de fortes pluies acides qui brûlent la peau et peuvent tuer tout ce qui est vivant…

Après son formidable La Nuée (qui était déjà une forme de survie face à l’adversité du vivant) on attendait beaucoup du nouveau film de Just Philippot.

Le pitch : Selma, 15 ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France.
Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.

Le prologue d’Acide présente de manière distincte le père et la mère d’une adolescente, Selma. Ce couple séparé combat chacun de leur côté leurs problèmes. Mais la jeune fille est de cette génération connectée : les informations circulent. En Amérique du Sud, des pluies acides ont causé des milliers de morts et provoqué un exode de population. En France, une canicule détourne les regards. Les spectateurs sont préparés d’une certaine manière à ce qui va suivre : on ne sera pas épargnés. Panique générale, les parents vont essayer de retrouver leur fille Selma isolée dans une forêt avant de se trouver un abri…

« On va où ? »

Le scénario repose sur une base solide avec les membres d’une famille séparée qui se retrouvent au pire moment pour survivre, une catastrophe climatique mortelle qui menace tout le monde, une fuite en avant vers l’inconnu et sans aucune ressource, la perte de tout espoir… Tout le début du film, jusqu’au début des pluies acides et la prise de conscience qu’il ne s’agit plus seulement de se protéger mais de survivre, est assez maîtrisé.

Autour de la jeune Patience Munchenbach, les parents – Guillaume Canet et Laetitia Dosch – restent toujours dans une certaine rivalité, ce qui complique les situations. On est devant un film français qui ose enfin explorer le terrain du film catastrophe à sa façon.

Mais dès lors que les pluies acides et mortelles continuent sans s’arrêter, on glisse malheureusement vers une certaine reproduction de films de survie que l’on connaît déjà trop bien. Qu’il s’agisse de zombies ou d’extra-terrestres (La guerre des mondes de Steven Spielberg, au hasard, tant les références sont nombreuses), on a la désagréable impression d’avoir déjà vu certaines séquences de fuites et de survie (en particulier celle du pont surchargé, celle de la maison déjà habitée…).

« Moi je reste là… »

Acide de Just Philippot était la promesse d’un grand film fantastique français (titre remporté par Le règne animal). Certes, l’aspect spectaculaire et angoissant de la catastrophe est bien rendu, et s’avère bien plus convainquant que le dilemme entre solidarité et individualisme.

Les différents personnages confrontent leurs différentes visions du problème et les possibles solutions, tout en perdant le contrôle des événements (ce qui est assez intéressant en soi). Cependant, progressivement, l’histoire se recentre autour du père comme héros (malgré ses décisions stupides) au détriment de sa fille, protagoniste plus pertinente (qui s’efface jusqu’à subir tout ce qui arrive). Les pluies acides ont en quelques sortes dilué le potentiel du film et la catastrophe fait tourner en rond ses personnages. Dommage.

Acide
Réalisation : Just Philippot
Scénario : Yacine Badday Just Philippot
Casting : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Marie Jung, Suliane Brahim, Martin Verset...
Sortie en salles : 20 septembre 2023
Durée : 1h40