Cannes 2023 | Mars express : un voyage sidérant

Cannes 2023 | Mars express : un voyage sidérant

Un film français de Science-fiction, c’est suffisamment rare pour qu’on y jette un œil intéressé. Peu importe qu’il s’agisse d’animation d’ailleurs. Le réalisateur Jérémie Périn puise allègrement ses références dans de multiples monuments du genre, de Ghost in the Shell à Robocop, des adaptations de Philip K. Dick à Elysium, de 2001 L’odyssée de l’espace à I, Robot. Sans oublier la référence du genre en France, Les maîtres du temps, de René Laloux et Mœbius, qui vient de célébrer ses 40 ans.

« On se débat tous avec nos tentations. »

Mars express est un thriller SF dans un monde de robots à la 1984. L’ambition épate. Comme souvent, l’installation de l’histoire et des personnages est complexe. D’autant que le rythme ne faiblit pas. Il faut emmagasiner une quantité d’informations pour comprendre qui est qui, dans quel camp on est, entre jeux de billards à plusieurs bandes et protagonistes humains, humanoïdes, ou tout simplement clonés.

Liberté pour les androïdes!

Une fois l’intrigue et l’enjeu posés, tout est plus limpide dans ce magma techno-futuriste mené par une détective privée et son partenaire, une réplique androïde, tous deux en quête d’une étudiante en fuite et poursuivis par des mercenaires. Trahisons, leurres, manipulations font le reste pour semer des obstacles sur leur chemin.

Le cinéaste, connaissant ses classiques, multiplie les séquences d’action, au détriment de quelques explications. Mais dans cette chasse aux pirates, avec une bonne dose de suspenses et de rebondissements, bien malin celui qui anticipera le final de cette aventure.

« – Alors c’était comment la terre? – Toujours un clapier à chômeurs! »

Nul besoin de raconter en détail les enjeux du récit, ni même les idées technologiques imaginées par les scénaristes. Mars express nous confronte avant tout à notre rapport à l’autre, virtuel, robotique, ou humain. On en revient aux répliquants. Même dans un univers plus sécurisé, élitiste, et technophile, il est question de pouvoir et de domination. Le crime n’est jamais loin. Sur Mars, on déplombe des robots virussés, la mémoire vive peut encore être saturée, et la prostitution (hommes et femmes) est affaire de clonage parfait.

La revanche des humanoïdes

Si les robots sont des êtres vivants comme les autres, avec du « sang » couleur bleu, une peau synthétique ou des organes de belles mécaniques agitées par des pulsions numériques, c’est surtout la détective héroïne (vocalement incarnée par Léa Drucker) à laquelle on s’attache. Dans ce cauchemar de violences, massacres et autres paranos, le sentiment de révolte collective de la classe prolétaire robotique gronde face à ces humains imparfaits et individualistes.

« On se débat tous avec nos tentations »

C’est sans doute là que réside la réussite du film, qui souffre parfois de sa trop grande ambition et de quelques bavardages superflus. Tout en conservant le tempo d’un film d’action et l’atmosphère d’un thriller d’anticipation, il n’oublie jamais le propos vers lequel il tend, aussi dingue et nihiliste soit l’épilogue d’un point de vue moraliste.

Aidé par un graphisme riche et inventif, Mars express, polar cosmique et muliculturel, propose un début de réflexion sur notre rapport aux machines, qui, dotée d’intelligence artificielle, serait capable de se rebeller et de se passer de leurs créateurs (très faillibles). Après tout l’espèce humaine, dans ce film pas loin d’être nihiliste, n’a que ce qu’elle mérite…

Le suspense est efficace, amenant à un final surprenant bien ficelé. Et l’audace graphique de l’épilogue fait largement oublier les quelques défauts ici-et-là de cette « Space oddity » du cinéma français. Le billet sans retour à bord de Mars Express vaut largement le voyage.