Spider-Man: Across the Spider-Verse confirme sa position de super-héros de l’animation hollywoodienne

Spider-Man: Across the Spider-Verse confirme sa position de super-héros de l’animation hollywoodienne

Cinq ans après l’excellent (et oscarisé) Into the Spider-Verse, Sony et Marvel signent le retour du jeune Miles Morales dans un deuxième opus presque aussi brillant.

A priori, on aurait pu rester de marbre face à cet énième récit de multivers labyrinthiques tant Marvel nous en a gavé dans ses super-productions en prises de vues réelles. Par ailleurs, il n’y a rien de plus casse-gueule qu’un épisode du « milieu », situé entre un premier film impressionnant et un troisième annoncé en mars 2024 (sans compter les autres déclinaisons prévues par le studio).

Et si ce Spider-Man a un talon d’Achille, c’est bien à cause de cette position d’entre-deux. Sur toute sa longueur (2h20), c’est le premier tiers qui souffre d’une narration complexe et confuse, chargée de justifier une suite et de lancer l’enjeu d’une trilogie. Une fois déblayés les principaux obstacles obligés du scénario, le film d’animation retrouve son ampleur et déroule tout son savoir-faire, pour notre plus grand plaisir.

C’est presque une guerre civile qui nous est proposée. Chaque Spider-Man est lié à son propre univers (soit une version de New York différente, jusqu’à cette improbable Manhattan aux allures de Mumbay, aka Mumbattan). Mais tous les Spider-Man (et Woman) ont en commun de connaître le même destin… Les enjeux sont donc classiques pour ce genre de récit où l’on manipule les dimensions parallèles et le temps : peut-on changer le cours des choses et avec quelles conséquences?

« Dans tous les univers, Gwen Stacy craque pour Spider-Man. Et dans tous les univers, ça finit mal. »

Les avis divergent selon qu’on s’appelle Peter Parker, jeune papa, Gwen, sorte de Black Widow en voie d’émancipation, Miguel O’Hara, absolutiste en puissance au service d’une IA. D’où l’affrontement entre eux, en plus de leurs combats (familiaux) individuels.

Ambitieux et audacieux

Entre déballage de vérités, tourments adolescents et parentaux, et scènes d’action virtuoses, le film est un grand huit impressionnant qui parvient à tenir toute sa longueur, jusqu’à nous frustrer en s’arrêtant en chemin. Car l’une des grandes réussites du scénario d’Across The Spider-Verse est aussi d’offrir des « vilains » originaux, de la créature échappée d’un croquis de Leonard de Vinci à La Tache, insaisissable et méchant idéal visuellement pour une œuvre animée jouant sur le concept transdimensionnel.

Mais, si la franchise cartoon de Miles Morales met K.O. le reste de l’animation hollywoodienne c’est bien pour son esthétique. En exploitant avec justesse et inspiration l’art « comics », avec ses lettrages et ses onomatopées, on retrouve réellement l’esprit d’une bande dessinée. Mais le film va beaucoup plus loin visuellement, influencé par la SF (celle des mangas et celle des artistes américains des années 1970), le street art, l’Indrajal comics, de l’art contemporain (comment ne pas pensez à Françoise Pétrovitch dans toute les séquences entre Gwen et son père), de l’animation 2D pour retrouver l’aspect comics, etc. Du pinceau à l’encre, de l’image numérique au feutre, la diversité des techniques apportent une réelle richesse à l’ensemble. Auquel s’ajoutent l’expression précise des personnages et la texture des cheveux ou des costumes, parfaitement reproduites.

Ce formalisme inventif et multidimensionnel illustre les différents univers avec intelligence jusqu’à produire un effet immersif fascinant.

« On est censés être les gentils. »

Phil Lord et Chris Miller ont poussé les limites de l’animation au-delà de ce qu’on peut espérer d’une telle production. Si leur scénario, parfois trop complexe, parfois trop convenu, déséquilibre parfois la dynamique, il faut reconnaître que la mise en abyme de ce super-héros démultiplié rend tout possible en matière de narration.

Clairement, l’antidéterminisme et l’antifatalisme qui sous-tend tout ce récit très américain où amitié, amour et famille sont les maîtres mots, amènent un discours plus subversifs sur la désobéissance et la différence. En traversant ce Spider-verse, les protagonistes ne sont pas loin de l’anarchie et de la rébellion.

De quoi nous donne renvie de voir la suite. Rarement une franchise (qui plus est animée) n’a atteint ce niveau de technicité et de beauté. À l’image de sa bande son et de ses musiques, toujours aussi impeccables. Espérons alors que ce vertige visuel n’accouche pas d’un final trop hollywoodien…