Deauville 2023 : Luc Besson, DogMan et sa nostalgie d’un certain cinéma

Deauville 2023 : Luc Besson, DogMan et sa nostalgie d’un certain cinéma

Avant la sortie dans les cinémas le 27 septembre, DogMan a été dévoilé au festival de Venise (en compétition) et dans la foulée au Festival Américain de Deauville avec la venue sur le tapis rouge de Luc Besson, quatre ans après Anna, de l’acteur Caleb Landry Jones, primé à Cannes pour Nitram en 2021, de l’actrice Marisa Berenson, et du musicien Eric Serra. Quand les lumières se rallument au bout de deux heures, l’équipe est chaleureusement applaudie. DogMan restera avant tout comme une interprétation très intense de Caleb Landry Jones.

Le temps de l’innocence ?

Le nouveau film de Luc Besson, autrefois empereur du box office français, pourrait être un événement en soi. Sa longue filmographie est marquée par d’immenses succès – en particulier ses huit premiers films depuis Le dernier combat jusqu’à Jeanne d’Arc et la trilogie des Minimoys – , et d’autres titres très mineurs comme le dernier Anna en 2019. On peut aussi lui reconnaître un gros succès à l’international avec des productions comme Le cinquième élément et Lucy. Certes les détracteurs de Besson trouveront du grain à moudre pour se lâcher sur DogMan. Et ses adorateurs ne placeront pas ce dernier film dans leurs préférés, s’ils sont lucides. Mais DogMan symbolise bel et bien le retour de Luc Besson après une période troublée par des révélations, accusations et procès pour viol (avec un non-lieu, il a été définitivement « innocenté » par la Cour de cassation en juin).

Un paradoxe pour celui qui, dans plusieurs de ses films, oppose l’innocence face à la violence. C’est aussi le cas dans son nouveau long métrage.

Le film débute avec l’arrestation par la police de DogMan, homme à l’allure de femme et entouré de chiens. Il s’est passé quelque chose de très inhabituel et une psychiatre va venir plusieurs fois en prison pour l’interroger : DogMan va alors nous raconter son histoire depuis son enfance, soit son adolescence, la découverte du théâtre et du déguisement pour pouvoir être (vu comme) quelqu’un d’autre, son premier émoi amoureux, comment presque tout le monde rejette qui il est, et son attachement aux chiens… Autoportrait déguisé du cinéaste?

Crise de foi

Finalement, c’est un personnage plutôt original avec une interprétation extraordinaire, plusieurs séquences d’images fortes ponctuée parcimonieusement tantôt d’un peu de poésie, tantôt d’un peu de brutalité. DogMan reprend le point de départ de Danny the dog avec un enfant ayant été élevé au milieu des chiens, qui, devenu adulte, n’arrive pas vraiment à s’intégrer dans la société (mais la comparaison s’arrête là). Ici, le cinéaste exprime une certaine crise de foi avec Dieu tout comme Jeanne d’Arc (mais la comparaison s’arrête là également). Luc Besson continue de faire du Luc Besson…, et quelque part c’est aussi ce qu’on attend de lui. Ou pas.

Puisque c’est l’un des rares poids lourds venu sur la cote normande, Deauville a organisé une ‘Conversation avec Luc Besson’ : il a beaucoup parlé de cinéma en général et de mise en scène évidemment, mais aussi de ses histoires de cinéma et du tournage de DogMan.

Depuis 1983 et la sortie du Dernier Combat, c’est donc quarante ans d’activité à écrire et filmer des histoires : « Ma passion c’est de fabriquer, je ne regarde pas trop derrière. J’ai eu un problème à trouver mon identité, des parents qui divorcent et en pension à 15 ans : l’art c’est pour exister. J’ai eu une enfance très solitaire, donc l’imagination se développe. Mon premier court-métrage vers 17 ans a été très difficile à monter, Patrick Grandperret a dit ‘si tu n’as rien à dire tu fermes ta gueule’, en voyant le résultat après j’ai pleuré et j’ai brûlé ce film. Mon ambition première avait été de montrer que je pouvais faire un film, mais le premier besoin doit toujours être de raconter un histoire. Qui dit finir un film, dit jugement. Première claque au cinéma ça a été ‘Le livre de la jungle‘, puis ‘2001 l’odyssée de l’espace‘, puis ‘Vol au dessus d’un nid de coucou‘. On mesure un appauvrissement de qualité du cinéma. J’ai revu récemment ‘Le guépard‘ de Visconti et on ne voit plus assez ce genre de films avec, derrière, un travail d’orfèvre. En France durant les années 1980 il y a eu comme un tranchée creusée avec des metteurs comme Jean-Jacques Annaud et Jean-Jacques Beineix; on a suivi le sillon moi, Carax, Kassovitz, Kounen.»

DogMan et la souffrance

«DogMan c’est un peu comme Elephant Man. Personne ne l’aime, et il essaie de délivrer de la bonté. Le point de départ de DogMan c’est une souffrance qu’on a tous en commun, il catalyse la souffrance de tout le monde. L’art est une des meilleures échappatoires, il peut être un prince ou une fleur ou ce qu’il veut. Durant les quelques mois de préparation Caleb Landry Jones a été une éponge. J’ai commencé le tournage avec pour les deux premiers jours deux scènes très fortes à jouer et il a été extraordinaire. Il vaut mieux éviter d’organiser un plan de travail selon les décors, je préfère organiser le tournage en fonction des émotions du personnages.»

DogMan
Réalisation : Luc Besson
Scénario : Luc Besson
Musique : Eric Serra
Casting : Caleb Landry Jones, Christopher Denham, Marisa Berenson, Clemens Schick, Iris Bry...
Sortie en salles : 27 septembre 2023
Durée : 1h53