Une année difficile : Nakache et Tolédano se mettent au vert

Une année difficile : Nakache et Tolédano se mettent au vert

Le nouveau film d’Eric Toledano et Olivier Nakache, Une année difficile, est l’épopée d’un désastre annoncé. Entre fin du monde et fin de mois difficiles, la satire politique s’offre un scénario bien ficelé avec des dialogues parfois un poil démonstratifs mais souvent brillants.

Surconsommation et surendettement font mauvais ménage dans un monde qui brûle climatiquement. L’éco-anxiété se mêle ainsi à la crise économique, le militant activiste avec le citoyen dans le déni. Comme toute comédie, on flirte avec la caricature. Mais, le duo de cinéastes réussit à faire sourire, comme toujours, grâce à sa génorisité, sa sensibilité et son refus de toute leçon de morale.

Cactus piquant

Une année difficile s’intéresse aux milieux associatifs face aux « institutions », qu’elle soient politique, financière ou commerciale. Porté par Noémie Merlant, décidément formidable dans le registre de la comédie (sa performance déjantée dans L’innocent lui a valu un César), il s’agit du combat d’activistes écologiques un peu extrêmes, entre Nuit Debout et Extinction Rebellion. En s’impliquant physiquement et collectivement, jusqu’à un radicalisme qui frôle l’absurde (burlesque), son personnage de Cactus (surnom militant) joue les Don Quichotte contre un système écocide. Déterminée et rebelle, elle lutte contre une société conservatrice et consumériste avec des méthodes pas vraiment conventionnelles.

Dans le quintet imaginé par les auteurs, elle est la véritable héroïne de cette dramédie contemporaine désenchantée. En faisant plier un à un tous les hommes arrogants et insincères, Cactus impose à la fois une révolution des mentalités et une déconstruction de l’ordre établi.

Débandade masculine

Une année difficile essaie malgré tout de fédérer les hyperconscients avec les sceptiques et les négationnistes du réchauffement climatique. C’est le propre des comédies de Nakache et Tolédano. Loin de tout greenwashing, ils s’emparent d’un sujet clivant pour tenter une réconciliation qui nous semble malgré tout utopique. C’est rythmé, parfois inspiré en matière de mise en scène, efficace avant tout. Il n’y a ni bons ni mauvais. Chacun a ses soucis, et ses faiblesses (égo, argent, sentiments…). On est dans une micro-économie face à la macro-économie, dans le combat individuel ou collectif face aux puissants. Mais c’est bien l’impuissance qui règne. La succession de voeux présidentiels qui répètent les éléments de langage mandats après mandats est à ce titre délicieuse. C’est peut-être ce qu’il y a de plus désespérant dans ce film qui cherche à faire rire (Mathieu Amalric y parvient très bien) : aucune action ni aucune politique ne se concrétise en essai transformé pour le bien de la planète.

Et ce n’est pas le duo de pieds nickelés incarné par des mâles hétéros pas déconstruits (Pio Marmaï, très bon même quand il fait du Bacri, et Jonathan Cohen, qui ravit ses fans) qui changera les choses ou les opinions. Plus pathétique que comique, l’égoïsme, l’individualisme et les faux-semblants qu’ils incarnent ne mènent à rien.

« – Mais tu me plais trop. – Moi, c’est mitigé. »

Collapsologues versus consuméristes? Une chose est certaine : l’union des peuples n’est pas pour demain. Nakache et Tolédano se rapprochent du cinéma de Colline Serreau, entre La Crise et La belle verte. Certes, les codes ont changé. Et les injustices ont augmenté.

En se plaçant du côté de ceux qui subissent le dérèglement climatique et la dérégulation économique, le film cherche à mettre tout le monde dans sa poche. Certaines situation cocasses, quelques punchlines moqueuses, des malentendus plutôt drôles et un comique de répétition bien dosé déculpablisent tout le monde.

Une valse pour envoyer tout valser

Dommage que le film se veuille trop pédagogique. Le récit traverse quelques gros plats, malgré un début prometteur et un dernier tiers plus intense. Quelques séquences ne fonctionnent pas, souvent à cause d’un Cohen en roue libre. Par ailleurs, il n’empêche pas une opposition trop binaire entre les deux mondes. Même s’il reste un plaisir certain à voir un cinéma « bourgeois » prôner la désobéissance et des actions sensationnelles (à la Act Up). Une année difficile n’est pas au niveau d’Intouchables ou du Sens de la fête. On se rapproche davantage de Samba et d’Hors normes, deux films qui pêchaient par un manque de dynamisme constant.

On ne peut pas reprocher l’ambition de vouloir faire à la fois un drame engagé, une comédie sociale, et un film populaire. Mais c’est aussi sa faille principal. Le film cherche son genre sans jamais vraiment le trouver. D’autant que, in fine, c’est l’aspect romantique qui va l’emporter. Sans doute pour laisser une trace plus feel-good qu’un goût amer. L’Happy-end amoureux, joli pas de deux dans un Paris confiné (et enfin débarrassé de voitures, de bruit et de gens pressés), offre une valse apaisante qui réconforte le spectateur. Ce qui ne veut pas dire que le monde a guérit, ni même qu’on cherchera à le changer. La lutte finale contre les banques, les avions ou la consommation n’est pas pour tout de suite.