FICA de Vesoul 2014 : Regard sur Mollywood, le cinéma Indien du Kerala

FICA de Vesoul 2014 : Regard sur Mollywood, le cinéma Indien du Kerala

Depuix l’Indépendance à la sortie de la seconde guerre mondiale, une poignée de films originaire de l’Inde dépassent les frontières. On connaît tous les noms de Satyajit Ray, Shekhar Kapur, Mira Nair, Anurag Kashyap ou S. S. Rajamouli… Plusieurs œuvres ont reçu une nomination à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère (Mother India, Salaam Bombay, Lagaan) et d’autres ont eu un large succès international comme Devdas ou The Lunchbox. En parallèle, il y a aussi un cinéma fabuleux qui se développe dans le sud de l’Inde et l’état du Kerala, qui va fêter son centenaire du cinéma en 2028, et pourtant, ils sont peu distribués en Europe.

Le FICA de Vesoul propose un « Regard sur le cinéma indien du Kerala » avec les nouveaux films des cinéastes les plus dynamiques du moment (Sidharta Siva, Jayaraj R, Martin Prakkat, Jeo Baby) et des nouveaux talents dont la plupart présentent leur premier long-métrage (Rarish G, Thamar KV, Tara Ramanujan et Indhu VS).

Pour mieux connaître ce cinéma une table ronde a rassemblécertains de ces nouveaux talents du Kerala mais aussi d’autres du reste du pays : un moment pour échanger à propos de l’élaboration de leurs films respectifs et de leur diffusion pour mieux connaître le cinéma méridional indien.

Les participants

Rajesh S. Jala, réalisateur de The spark (en compétition), où après une violente agression une vengeance mortelle pourrait se préparer lors d’une célébration funéraire…

Thamar KV, réalisateur de 1001 lies, où des couples révèlent leurs failles…

Anto Chittilappilly, producteur de Paradise réalisé par Prasanna Vithange au Sri Lanka, mais, avec dans les rôles principaux, un acteur et une actrice de l’Inde (en compétition) : un couple de touristes venant d’Inde découvre les beaux paysages du Skri Lanka, mais des objets volés vont les conduire dans une spirale incontrôlable…

Rashish G, réalisateur de The Hounds and the Runners (avec son associé) : une jeune étudiante a posté sur Facebook l’annonce de la mise en vente de sa virginité. Ça va devenir un scandale en boucle sur toutes les chaînes de télévision, où chacun donne son avis (et ça révèle qu’il y a beaucoup de progrès à faire pour l’émancipation des femmes).

Le débat

Anto Chittilappilly : Le cinéma du Kerala ce n’est pas Bollywood qui est une autre industrie de films au nord de l’Inde et dont les films sont plus connus. Le Kerala est un état du sud de l’Inde, et comme la langue principale est le malayalam, on peut employer le terme de Mollywood. Il faut savoir que l’Inde, c’est 28 états différents et, avec une vingtaine de langues, et il y a autant de types de cinéma différents. Le Kerala est l’une des cinq plus grandes cinématographies de l’Inde. La période du Covid a été pour moi un moment de réflexion pour produire plus de films en malayalam qui, idéalement, sortiraient en salles de cinéma, alors que le public a eu une habitude de voir de plus en plus des films sur des plateformes. Il faut se former pour que nos films circulent mieux à la fois dans notre pays mais aussi un peu plus à l’international, avec par exemple des co-productions. Un festival comme celui de Vesoul est une opportunité vitale pour des jeunes réalisateurs qui font leur premier long-métrage.

Le Kerala (c) vincy thomas

Rashish G : Le cinéma est à la fois ce qu’apporte la société et ce qu’il va transmettre à la société et aux spectateurs. On s’imprègne d’énormément de choses et de d’histoires. Être réalisateur c’est choisir une forme pour retranscrire un peu de tout ça. Une fois que le film est terminé alors il doit parler de lui-même, bien plus que son réalisateur. Un film appartient à son réalisateur pour tout ce qui artistique, mais une fois terminé il appartient au public et c’est à chacun de l’interpréter. Il y a environ 200 films produits au Kerala. Un réalisateur doit se poser la question de ‘pourquoi je devrais faire ce film?’ Cela peut être un sujet en particulier mais la façon d’en parler doit être unique.

Rajesh S. Jala : Moi je suis originaire du nord de l’Inde, donc pas du tout du Kerala, mais j’ai toujours un regard vers le cinéma développés au sud qui sont plus indépendants. Il y a le sujet d’un film, et le contexte de ce sujet. Je pense qu’on peut expliquer des choses par rapport à un contexte, comme dans mon film où on voit des fours de crémations qu’on ne voit pas dans d’autres régions mais sans que je doive expliquer mes choix esthétiques par rapport à mon sujet. Faire un film indépendant est très difficile pour trouver des financements, et mais également pour trouver une plateforme de diffusion. On dépense plus d’énergies avant et après le film qu’à faire un film.

Thamar KV : Le FICA de Vesoul a sélectionné plein de films du Kerala et des films indépendants venus d’ailleurs. C’est formidable de les découvrir ici en salles alors que pour certains de ces films c’est difficile d’accès dans notre pays.

Rashish G : La démocratisation d’internet a pu rendre accessible plus de films et de s’ouvrir à des différences culturelles avec possiblement un plus large public. Cette nouvelle internationalisation nous fait davantage réfléchir pour préparer un film.

Anto Chittilappilly : Beaucoup de spectateurs pensent que le cinéma, c’est d’abord du divertissement. La durée d’un film doit être dictée par son sujet et son scénario. Il faut essayer d’aller chercher son public.

Thamar KV : Que ce soit un film commercial ou un film d’auteur, il faut que le spectateur reste engagé par le récit montré, et qu’il ne soit pas tenté de regarder un moment son smartphone.

Rashish G : Attirer le public en salles dès le premier jour d’exploitation c’est important, car si la salle n’est pas suffisamment remplie durant les premiers jours, alors elle peut réduire ou supprimer des séances pour le remplacer par un autre film. Le public jeune va de plus en plus voir des films sur des plateformes, et il ne faudrait pas que les salles perdent ce public jeune sinon ça pourrait être compliqué dans le futur.

Anto Chittilappilly : Pour simplifier, on a trois principaux endroits pour que nos films soient vus : un réseau de cinémas de type multiplexes ; des petites salles de cinéma indépendantes avec un ticket deux fois moins cher (où il faut séduire donc le double de spectateurs pour un même résultat) ; et des plateformes de streaming (plus intéressées par le temps de visionnage et le nombre de vues que par le contenu du film). Les réseaux sociaux peuvent permettre de garder un lien avec un public déjà acquis, mais il faut essayer de toucher un public un peu plus large.

Pada, du réalisateur Kamal KM