Cannes 2024 | Avec Bird, Andrea Arnold reste dans sa zone de confort 

Cannes 2024 | Avec Bird, Andrea Arnold reste dans sa zone de confort 

Tous les ingrédients du cinéma d’andrea Arnold sont réunis dans Bird, ce qui semblera probablement une bonne nouvelle pour ses fans inconditionnels. Caméra ostensiblement à l’épaule (au bûcher les trépieds et les stabilisateurs d’image), héroïne issue d’une classe plus que modeste mais débrouillarde et pleine de ressources, contexte social qui oscille d’excentrique à glauque : on est indéniablement en terrain connu. Et si ce n’est pas désagréable (l’histoire qui mêle plusieurs intrigues de front réussit même à joliment retomber sur ses pieds), ce n’est jamais non plus vraiment surprenant, ou nouveau. La réalisatrice ronronne donc un peu dans son observation sociale pleine de compassion, filmée pour une raison inconnue comme un reportage de guerre, et agrémentée à la fois d’une bande son qui en jette (autre de ses marques de fabrique) et de plans très courts qui nous montrent, sous la forme de flashs, des plans issus des scènes précédentes censés être particulièrement signifiants (et dont on suppose qu’ils reviennent à l’esprit de l’héroïne). 

Et pour ce qui est de vouloir signifier, Andrea Arnold n’économise pas ses efforts. Elle multiplie les plans sur les graffitis qui envahissent les murs de l’appartement et de l’immeuble de l’héroïne (avec des messages de type : « espoir » ou « tout va bien se passer »), brosse à gros traits le portrait d’une micro-société appelée à répéter en boucle les mêmes schémas, ajoute du symbolisme aux symboles, du sens au sens. Tantet si bien qu’on a parfois le sentiment d’être devant l’œuvre d’une jeune cinéaste qui se laisse un peu emporter par son désir de témoigner et de dénoncer – le tout avec une dose appuyée de naturalisme et des personnages qui frôlent la caricature, du beau-père violent au marginal paumé. Ce sont pourtant les relations qui se tissent entre eux qui rendent le film, peu à peu, attachant et sensible. 

L’utilisation qu’Andréa Arnold fait du réalisme magique permet également de rompre avec le portrait presque misérabiliste qu’elle dresse de ce quartier et de ses habitants. Cela passe ici par une métaphore animale (les oiseaux, le chien) plutôt joliment amenée mais qui reste un peu en suspend, quitte à frôler le « truc » de scénario. Pourtant, l’énigmatique Bird, ce marginal de passage qui donne son nom au titre, offre un contrepoint particulièrement fort aux autres intrigues. Il joue le rôle du témoin extérieur, qui oblige l’héroïne à reconsidérer son rapport au monde et aux autres, et semble veiller sur elle depuis le haut de la tour où il s’est installée. C’est sa présence ingénue, mais aussi sa propre quête de sens, qui aident la jeune héroïne à passer le cap difficile qu’elle traverse, et à ajuster son regard sur sa propre famille.

Bien sûr, ce ne sont pas des thèmes nouveaux dans la filmographie de la réalisatrice, dans la continuité de Fish Tank ou American honey, avec lesquels Bird semble former une sorte de triptyque adolescent, dont il serait le volet peut-être le plus apaisé. Et c’est cet apaisement qui donne une tonalité presque lumineuse au film, dans lequel un certain nombre de vérités sont réaffirmées sur les choix de vie, les rencontres qui embellissent l’existence, et la puissance des rapports filiaux, envers et contre tout. Une petite musique bien connue, mais qui fait du bien.

Fiche technique
Bird d'Andrea Arnold (2024)
Avec Barry Keoghan, Franz Rogowski, Nykiya Adams, Jason Buda...
Distribution : Ad Vitam Films