Cannes 2024 | La Belle de Gaza, nouvelle quête intime de Yolande Zauberman

Cannes 2024 | La Belle de Gaza, nouvelle quête intime de Yolande Zauberman

Après ses films Would You Have Sex with an Arab? (2012) et M (2018), c’est à une nouvelle série de rencontres sensibles et marquantes que nous convie la réalisatrice Yolande Zauberman avec ce documentaire immersif tourné au sein de la communauté trans de Tel Aviv. Partant d’une idée de départ très simple : retrouver une jeune femme qu’elle a filmée par hasard quelques années auparavant, et qui avait affirmé être venue à pied depuis Gaza, elle déroule le fil d’une quête intime au plus près des corps, des visages et des récits. 

Rompant avec une partie des clichés ou des tabous liés à la transidentité – et à l’autre bout du spectre, à la Palestine – les témoignages qu’elle recueille brillent par leur diversité et leur incarnation. On n’est jamais dans un catalogue de cas, ni dans un tutoriel de type “la transition pour les nuls”, mais au contraire dans une approche qui privilégie l’écoute et la complicité. Les femmes figurant dans le film ont toutes des vécus différents, et même assez contrastés : Taleen, qui a été élue miss Trans 2016 et porte haut l’image d’une transidentité victorieuse ; Israela qui apporte beaucoup d’humour et de légèreté en racontant son mariage (réussi) avec un rabbin ; Nathalie, qui trouve refuge dans la religion… 

Ambiance de rue

La réalisatrice filme sur le vif, s’attardant sur les silhouettes, les gestes, les regards, ou au contraire décadrant parfois les visages, se fixant sur un point de détail, une main aux ongles acérés. Malgré une certaine tendance au maniérisme (les scènes nocturnes au ralenti qui servent de transition aux différentes parties du film, les moments de danse) et une indéniable fascination pour ses protagonistes, parfois jusqu’à l’excès, elle capte quelque chose de l’ambiance de la rue où certaines d’entre elles se prostituent, et plus largement des émotions qui les animent, entre plénitude et colère, peur et défi, lassitude et renoncement. 

Car malgré les sourires et la bonne humeur affichée, malgré un formidable appétit de vivre, malgré leur magnétisme si évident, la violence est omniprésente dans les témoignages et parfois le vécu des femmes interviewées. Elles disent l’insécurité qu’il y a à travailler dans la rue, le harcèlement dont elles sont et ont été victimes une partie de leur vie, la menace des crimes de sang, le refus qui leur est fait d’être elles-mêmes… “On te fait croire qu’il n’y a pas de raison d’être qui tu es”, observe l’une d’elles. 

Arracher les étiquettes

Heureusement, parfois, la lumière vient d’un endroit inattendu. Des bribes d’espoir décelées ici ou là : un ami d’enfance qui vient aider Nathalie après son opération, un père qui accepte de dépasser ses préjugés, une parole qui se libère… La démarche de Yolande Zauberman est évidemment éminemment politique, ancrée dans un territoire (géographique et cinématographique) dont elle refuse les étiquettes.

C’est même sans doute cela son moteur : arracher toutes les étiquettes préexistantes et repartir de zéro pour se faire sa propre idée, patiemment, lentement, en écoutant et en observant sur le long terme. On ne sait si l’apaisement naît de son regard, ou si c’est sa ténacité qui le révèle, mais quelque chose de beau et de fort ressort indéniablement de son film, qui rejaillit – on l’espère – sur le destin des protagonistes. 

Fiche technique
La Belle de Gaza de Yolande Zauberman (2024)
Distribution : Pyramide
Sortie française : 29 mai 2024