Cannes 2024 | Le Procès du chien : Laetitia Dosch surprend et ravit avec une comédie politique irrésistible

Cannes 2024 | Le Procès du chien : Laetitia Dosch surprend et ravit avec une comédie politique irrésistible

Bon alors, comment je commence ?” Le premier long métrage de Laetitia Dosch s’ouvre sur cette interrogation de la narratrice qui, en off, cherche la meilleure manière de nous raconter les événements qu’elle a traversés, et commente les scènes que l’on voit à l’écran. D’entrée, cela nous place dans un contexte de comédie décalée et loufoque, qui joue sur le contraste entre les situations et le commentaire qu’elle en fait, mais aussi sur l’écriture assez percutante des dialogues. 

L’héroïne, Avril, interprétée par la cinéaste elle-même, est une avocate spécialisée malgré elle dans les causes désespérées. Alors qu’elle vient tout juste de promettre à son patron de gagner la prochaine affaire, elle rencontre Dariusch et son chien Cosmos, qui risque l’euthanasie pour avoir mordu plusieurs personnes. Incapable de résister, elle se lance à corps perdu dans la défense de l’animal lors d’une audience de routine reléguée au fin fond du tribunal. 

Autodérision et ressorts comiques

Il serait dommage de trop en raconter sur Le Procès du chien, mais comme son titre l’indique, c’est bien d’un (nouveau) film de procès qu’il s’agit – une forme cinématographique décidément en vogue après Anatomie d’une chute et Le Procès Goldman. Laetitia Dosch a d’ailleurs bien conscience de s’inscrire dans un genre éminemment classique, et en joue très habilement en s’appuyant sur les codes et les attendus d’une audience judiciaire, détournés au service de son propos.

Car si l’on rit beaucoup devant le film, et qu’il cultive soigneusement l’autodérision et les situations comiques, il touche également à un propos politique fort, défendu avec beaucoup d’intelligence et de conviction par le scénario. L’absurdité se mue alors peu à peu en une forme de gravité et de profondeur qui provoquent la réflexion.  

Par exemple, lorsque l’on découvre que Cosmos réagit à une chanson de Véronique Sanson (Ma Révérence) : en elle-même, la scène est drôle. Dans le contexte du film, elle prend un tout autre relief et devient bouleversante, puisqu’elle pointe chez l’animal une sensibilité proche de la nôtre. Et c’est par ce rapprochement que la réalisatrice introduit la dimension la plus captivante du film, qui interroge avec beaucoup d’acuité les mystères de l’animalité. Tout au long du récit, il nous est expliqué ou montré, souvent avec beaucoup d’humour, que le chien éprouve une gamme d’émotions semblable aux nôtres. Pour autant, il ne tombe jamais dans le piège de l’anthropomorphisme et s’active en parallèle à prouver qu’il nous demeure malgré tout inconnu et insaisissable, voire étranger (par exemple lorsqu’il réagit à l’appel des loups, ou lorsqu’il s’avère – évidemment – incapable d’utiliser un mode de communication basé sur le langage humain). 

Réflexion contemporaine

En jouant sur ces deux registres, le récit souligne les contradictions inhérentes aux rapports entretenus par l’être humain avec les autres vivants. Tout en appréciant la part d’animalité qu’ils apportent à notre existence, nous sommes incapables de composer avec cet instinct sauvage, et exigeons de rester en position de contrôle absolu. Un chien, parce qu’il laisse sa nature sauvage reprendre le dessus, est ainsi condamné à mort sans autre forme de procès. Or est-il moralement acceptable de faire disparaître un être juste parce qu’il nous dérange ?

On est bluffé par la trajectoire du film qui, partant d’un fait divers anecdotique, tendance comédie loufoque, s’empare brillamment de grands enjeux contemporains, sans jamais sembler laisser l’un prendre le pas sur l’autre. Laetitia Dosch propose ainsi un premier long métrage fracassant de drôlerie et d’intelligence, à la contemporanéité époustouflante, et à la sensibilité vertigineuse. On la savait comédienne talentueuse : on la découvre désormais réalisatrice confirmée.

Fiche technique
Le Procès du chien de Laetitia Dosch (2024)
Avec Laetitia Dosch, François Damiens, Jean-Pascal Zidi, Anne Dorval...
Distribution : The Jokers Films
Sortie française : 11 septembre 2024