Cannes 2024 | Septembre sans attendre ou la séparation pour les nuls

Cannes 2024 | Septembre sans attendre ou la séparation pour les nuls

Présenté cette semaine à la Quinzaine des Cinéastes, Volveréis en VO (et The Other Way Around pour le reste du monde) de Jonás Trueba est LE film sur la fin d’un couple qui redonnera espoir à tous ceux heureux en ménage !

L’anti-Marriage Story

Ale est réalisatrice, Alex est acteur. Après quinze ans de relation, ils se séparent. Mais pour faire les choses à leur manière, ils optent pour une fête de séparation – idée piquée au père d’Ale qui considère que l’on devrait célébrer les séparations et non les noces. Vient alors le moment d’annoncer la nouvelle à leurs proches. L’occasion pour eux de continuer à faire du cinéma, même au « pire moment ». 

Comédie dramatique comme on en fait finalement peu aujourd’hui, Septembre sans attendre est le genre de pépites que la Quinzaine des Cinéastes sait s’y bien programmer chaque année. Pas parce que le talent de son réalisateur, Jonás Trueba, est à lui seul l’assurance d’un film de qualité. Mais parce que le traitement qui est fait, à la fois du récit et de sa mise en images, résonne particulièrement à Cannes. 

En effet, Septembre sans attendre est un film sur une séparation heureuse, sur un couple qui veut faire preuve de maturité et véritablement aller de l’avant sereinement, tant qu’il est encore temps. Bref, Septembre avant l’heure pourrait être présenté comme l’anti-Marriage Story de Noah Baumbach. Un film où le soleil espagnol réchauffe toutes les conversations, même les plus incongrues. Un film dans lequel le spectateur n’est jamais tenté de prendre un parti. Un film si juste et authentique que l’on en vient à se demander pourquoi les autres couples séparés de notre entourage n’ont pas aussi eu l’idée (ou au moins l’envie) d’organiser une fête de séparation.

Couple de cinéma peut-être, Ale et Alex sont avant tout si crédibles (grâce à l’interprétation impeccable d’Itsaso Arana et Vito Sanz) qu’ils deviennent rapidement à nos yeux un couple comme un autre. Leurs soucis du quotidien (cet évier qui se bouche en permanence…) sont rapidement éclipsés par l’annonce de leur séparation qui donne lieu à des scènes particulièrement cocasses et jamais larmoyantes. Même les réactions du père d’Ale, pourtant à l’origine de la fête de séparation, et de la mère d’Alex, complètement abattue au téléphone, font rire. On comprend la surprise et la déception mais Ale et Alex répètent si souvent « On se sépare… mais ça va hein ! » que cela en devient un fabuleux running gag que l’on voudrait ne jamais voir disparaître. 

Vous allez vous remettre ensemble…

Pour l’instant, on s’est juste remis à boire !

En insérant un film dans le film (Ale travaille sur le montage de son dernier film dont Alex est encore la star), Jonás Trueba propose une réflexion quasi-métaphysique sur ce qu’est le cinéma. Ou en tout cas le sien ! C’est-à-dire une recherche honnête de réel ou de ce qui est vrai. Et l’on trouve difficilement plus vrai que la dynamique d’un couple fusionnel et qui travaille ensemble. A noter cependant qu’Ale et Alex ne sont pas un couple en crise ici mais un couple qui a décidé de ne plus faire couple pour retrouver son individualité. Nuance !

Quant au film réalisé par Ale, tout au long de Septembre sans attendre, il reste le projet le plus nébuleux qui soit. A diverses reprises, Jonás Trueba nous présente des plans qui pourraient exister dans ledit film mais sans en dévoiler l’intrigue. Preuve s’il en fallait une que parfois, et pour certains, l’intrigue importe presque moins que le processus de création. A l’instar donc de cette fête de séparation qui, sans prévenir, finit par nécessiter autant d’organisation et de réflexion qu’un mariage.

Avec son approche très précise des dynamiques de couple et de l’entourage, Septembre sans attendre nous fait ici et là penser à du très bon Pedro Almodovar – voire même à Eric Rohmer. Le cinéaste espagnol de 42 ans a en effet particulièrement compris comment s’entourer de la meilleure équipe possible et ainsi briller toujours un peu plus. Le travail sur le son et la musique est ainsi très pertinent, presque autant que ce scénario écrit à six mains avec ses deux interprètes principaux, cette photographie de Santiago Racaj qui laisse rêveur et le montage de Marta Velasco, absolument primordial dans la construction réussie d’un faux récit encadré. 

En salle le 28 août prochain, Septembre sans attendre sera à ne surtout pas manquer !