Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue…
Après L’Inconnu du Lac et Rester Vertical, Alain Guiraudie continue de surprendre Cannes avec des voies de l’érotisme, pas forcément impénétrables… Miséricorde emprunte son titre au lexique de la religion : il y a bien un curé parmi une galerie de personnages mais l’histoire est avant tout une affaire de morale. Pour cette fois, la sexualité ne sera pas une représentation frontale à l’image, mais plutôt quelque chose à laquelle on va penser et qui serait éventuellement imaginable. Guiraudie choisit une trame de polar, avec une enquête à propos d’une personne disparue, pour la transformer peu à peu en une réjouissante comédie de moeurs.
Tout commence par l’enterrement d’un boulanger qui rassemble sa femme et quelques amis proches, mais aussi ce Jérémie qui avait quitté depuis longtemps le village. Le revenant, lui aussi boulanger, se rapproche de la veuve chez qui va l’héberger quelques jours. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Après une autre disparition, divers soupçons vont tourner autour de Jérémie…
« Vous allez rester longtemps parmi nous ? »
Il y a la famille et aussi les amis du voisinage qui s’inquiètent de la disparition, et bientôt il y aura aussi les gendarmes qui vont poser des questions à tous, et surtout à Jérémie.
Les réponses de Jérémie aux uns et aux autres sont au début approximatives et parfois un peu différentes. De nouveaux détails et de nouveaux mensonges vont complexifier l’histoire.
Les spectateurs ont déjà plusieurs longueurs d’avance sur ces interrogations, car le film leur a déjà montré les faits. Si Jérémie va sembler suspect, les autres personnages vont aussi faire des déclarations toutes aussi alambiquées et cachotières. Avec un certain amusement, le spectateur suit cette « anti-enquête », de plus en plus farfelue et de plus en plus réjouissante. Les discussions des uns avec les autres, avec ou sans les gendarmes, des uns sans les autres, vont faire naître des doutes. Tout le monde sera suspect. Car personne n’est jamais vraiment innocent.
« Ce n’est pas un crime qui doit empêcher la vie de continuer. »
Est-ce que Jérémie aurait été amoureux du boulanger mort et enterré, ou est-ce que Jérémie deviendrait-il amoureux de sa veuve qui à l’âge de sa mère, ou, tout simplement Jérémie cache-t-il un désir pour le voisin, ou même, pourquoi pas, est-ce que le curé n’aurait pas une attirance pour Jérémie ? Plusieurs configurations de possibles relations sexuelles de tous genres sont alors envisagées dans la têtes de certains personnages. Ces possibilités ouvertes ne semblent pas très morales, mais est-ce qu’elles sont pour autant un péché ? La présence d’un curé dans l’équation de l’ensemble des personnages rend tout cela d’autant plus ironique et drôle.
On se délecte de la crainte du ‘qu’en-dira-t-on’ et la soi-disante immoralité à géométrie variable. Une scène de confession, vraie ou fausse, servira d’ailleurs de moment charnière, intégrant ainsi la rumeur et le secret. De quoi créer de nouveaux mensonges… La morale est loin d’être une vertu rigoureuse.
Alain Guiraudie se détache ainsi du polar, pour de mensonges en mensonges, faire de Miséricorde, une réjouissante comédie iconoclaste.
Miséricorde
Cannes 2024. Cannes Première
1h42.
Avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jacques Develay, Jean-Baptiste Durand, David Ayala
Réalisation : Alain Guiraudie
Scénario : Alain Guiraudie
Distribution : Les Films du losange