Le nouveau film d’André Téchiné raconte l’histoire de personnages qui auraient pu ne jamais se croiser en raison de leurs convictions en apparence opposées : un activiste anti-flics et une policière. Mais le réalisateur montre avec justesse que lorsque le dialogue s’instaure entre des êtres très différents, bien des obstacles peuvent être surmontés.
Lucie (Isabelle Huppert) travaille dans la police technique et scientifique. Elle vit seule dans un pavillon de banlieue et se remet peu à peu du décès de son ancien compagnon. L’arrivée de nouveaux voisins, un jeune couple avec une petite fille, bouleverse son quotidien. Julia (Hafsia Herzi) est enseignante, tandis que Yann (Nahuel Perez Biscayart) est artiste, mais aussi un militant engagé qui a connu des démêlés avec la justice.
Des liens d’amitié commencent à se nouer entre Lucie, Julia et Yann. Mais ils vont être mis à rude épreuve quand la police vient s’intéresser à nouveau aux activités de Yann. Lucie va devoir choisir entre son amitié pour son voisin ou sa hiérarchie qui lui conseille de prendre ses distances avec lui, au risque d’avoir elle-même des problèmes avec l’institution pour laquelle elle travaille.
Réalisateur de plus d’une vingtaine de longs-métrages de fiction, dont Rendez-vous (prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1985), Les roseaux sauvages (César du meilleur film et du meilleur réalisateur en 1995) et Les témoins (2007), André Téchiné n’a rien perdu, à 81 ans, de son regard aiguisé sur le monde contemporain et ses enjeux.
Dans son dernier film, il se refuse à tout manichéisme en évoquant deux mondes souvent caricaturés. Il aborde ainsi, dès la première séquence du film, le malaise de la police et plus particulièrement la question du taux de suicide dans ses rangs, à travers une manifestation rassemblant Lucie et plusieurs de ses collègues. « Les médias donnent l’image d’une police rageuse ; dans le film, la déléguée syndicale pointe la souffrance au travail de ses collègues », affirme le réalisateur.
« Le cinéma sait représenter le réel dans sa complexité alors que les médias sont polarisés et n’aident pas à la nuance », estime pour sa part Isabelle Huppert. « Il y a dans les médias des effets d’annonce permanents qui poussent à la simplification de façon assez brutale », assure-t-elle. Parallèlement, André Téchiné rentre dans l’intimité de Yann pour montrer, au-delà de son militantisme, son idéalisme et ses talents d’artiste.
Pour l’occasion, le cinéaste a réuni une belle distribution, notamment Isabelle Huppert, avec qui il n’avait pas travaillé depuis plus de 40 ans. Leur dernière collaboration remontait à 1979, avec Les sœurs Brontë. Hafsia Herzi (également à l’affiche avec Isabelle Huppert d’un film qui sortira le 28 août, La prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy) incarne de manière convaincante une jeune femme à la fois forte et pleine de doute sur sa relation avec son compagnon, interprété par Nahuel Perez Biscayart. C’est déjà pour un rôle d’activiste (militant d’Act Up) dans 120 battements par minute (2017), de Robin Campillo, que cet acteur argentin avait obtenu le César du meilleur espoir masculin.
Cinq ans après L’adieu à la nuit, un film dans lequel André Téchiné s’intéressait à la dérive d’un jeune vers la radicalisation islamiste, le réalisateur évoque donc dans son dernier long-métrage une autre forme de radicalisation. Si le scénario manque parfois d’originalité, Les gens d’à côté nous capte par son réalisme et la qualité de l’interprétation d’Isabelle Huppert, Hafsia Herzi et Nahuel Perez Biscayart.
Pierre-Yves Roger