To The Moon : une rom-com qui décroche la lune

To The Moon : une rom-com qui décroche la lune

Chargée de redorer l’image de la NASA auprès du public, l’étincelante Kelly Jones, experte en marketing, va perturber la tâche déjà complexe du directeur de la mission, Cole Davis. Lorsque la Maison-Blanche estime que le projet est trop important pour échouer, Kelly Jones se voit confier la réalisation d’un faux alunissage, en guise de plan B et le compte à rebours est alors vraiment lancé…

Les missions Apollo ont toujours fasciné le cinéma, d’Apollo 13 à First man, en passant par Transformers : Dark of the Moon. To the Moon (Fly Me to the Moon) fait cependant un pas de côté (un petit pas pour le cinéma, un grand bond loin de la réalité). Si le film a pour cadre la préparation et la réussite d’Apollo 11 à la fin des années 1960, il ne reprend aucun fait réel étayé et reste cloué au sol.

Cette grosse production repose sur une vieille recette hollywoodienne, oubliée depuis quelques lustres : la comédie romantique. Certes, la comédie n’est pas franche et le romantisme un peu fade. Mais la formule, rafraîchissante plus rafraîchie, fonctionne toujours. To the Moon pêche légèrement par son rythme entre deux tempos, cherchant parfois l’accélération, et se reposant souvent sur une mise en place des situations très académique. Or, vu le potentiel des intrigues, on n’ose imaginer ce qu’en aurait fait un Blake Edwards. Mais ici, c’est Greg Berlanti, habitué des mélos ados (le très charmant Love Simon) qui est à la manœuvre.

Botox et perruques

Heureusement, avec 100 millions de dollars dans le portefeuille, le film réussit à épater le spectateur avec une direction artistique stylisée, une image élégante et un casting chic. Dans les coulisses de Cap Carnaveral comme dans les alentours de Cocoa, l’Amérique des sixties est parfaitement reconstituée pour dérouler cette histoire née d’une légende urbaine complotiste : le premier alunissage était fake et n’était en fait qu’un court métrage filmé sur Terre par Stanley Kubrick.

À partir de là, cela ouvre les vannes à un enjeu autour des fake news, de la propagande, et de la manipulation des masses. Face à ce déferlement de mensonges, la science et la techniques, rigoristes et éthiques, semblent désarmées par la fourberie de leurs ennemis. Un trio incarne les trois angles du spectre : le deep state, cet Etat profond qui avance dans l’ombre et décide à l’insu de tous, est interprété par un Woody Harrelson qui s’amuse beaucoup trop dans son rôle ; une génie de la communication, au passé trouble et à l’avenir toujours incertain, qui affronte sa première crise déontologique, soit Scarlett Johansson (on y reviendra) ; et un chef de mission de la Nasa, dont le seul but est de faire réussir l’opération lunaire, incarné par un Channing Tatum tellement botoxé qu’il en est inexpressif et bien trop sérieux.

On l’a compris : tout repose sur l’actrice et productrice du film, Scarlett Johansson. De fait, avec elle, tout le monde veut décrocher la lune (et y parvient). On ne calculera pas le nombre de tenues vestimentaires et de coiffures (un budget perruque conséquent semble-t-il) pour la rendre glam et sexy. En s’offrant un personnage à la Julia Roberts (en plus sulfureux et en moins charismatique), elle s’invite dans un registre nouveau pour elle. Jusque là, ses histoires romantiques finissaient souvent mal, que ce soit chez Woody Allen, dans le MCU ou chez Noah Baumbach… Et avouons-le, cela lui sied à ravir. On aurait aimer qu’elle insuffle un peu plus de peps. Mais, assurément, elle sait séduire avec ce personnage de femme d’affaires, arnaqueuse, utonome, manipulatrice, qui sait survivre dans un monde masculiniste.

Triple A : Amour Apollo Advertising

To The Moon lui doit beaucoup. Car, la comédie, aussi plaisante soit-elle, aurait pu briller davantage en dérision et en humour. À chaque fois qu’elle s’y aventure, elle fait mouche. La romance, quant à elle, est un peu trop classique pour nous surprendre. Et le film dans son ensemble paraît pesant tant il enchaîne de manière trop appliquée ses trois axes narratifs : la mission de la Nasa, l’histoire compliquée entre les deux tourtereaux, et la fantaisie absurde d’un tournage secret, qui n’a rien à envier au projet factice d’Argo.

Heureusement, Hollywood sait quand même, encore, faire ce genre de rom-coms vintage estivales. Les seconds-rôles sont savoureux, chat noir inclus. Le scénario propose un divertissement sans anicroche. L’histoire d’A (avec son petit clin d’œil à Out of Africa) nous accroche grâce à une belle alchimie entre ses deux stars. Même la musique, parfois trop présente comme toujours, sait souligner les séquences avec la bonne tonalité. Enfin, quelques dialogues pétillent comme il faut.

Et finalement que demander de plus? Pour une fois, le cinéma américain revient à ses fondamentaux, sans action ni montage frénétique, sans grossièreté ni anachronisme, sans morale familiale ni message subliminal débité quarante fois.

Non juste deux têtes d’affiche populaires, un événement planétaire en arrière plan, quelques dingueries dans ce chaos ambiant. To The Moon décroche son billet vers les étoiles. Sans doute aussi parce que la star autour de laquelle tout gravite est une actrice. Les mâles ne sont que des pantins manipulés. C’est connu : les hommes préfèrent les blondes, mais c’est bien la blonde qui tire les ficelles.