Le 17e édition du Festival Francophone d’Angoulême a de nouveau été un rendez-vous de têtes d’affiche françaises venues présenter leurs films : le nonagénaire Pierre Richard, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Didier Bourdon, Gérard Darmon, Jean-Paul Rouve, Zar Amir Ebrahimi, Julie Gayet, Sofiane Zermani,François Damiens, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin, Pio Marmaï, Eye Haïdara, José Garcia, Camille Razat, Franck Dubosc, ou encore Valeria Bruni-Tedeschi…
Dans plusieurs sections du FFA – en compétition ou non -, plusieurs premiers films proposaient des récits singuliers autrement plus passionnants que des films d’auteurs plus confirmés ou dotés de budgets plus confortables.
Le film, qui remporté le Valois de diamant et le Valois des étudiants, est d’ailleurs un premier-film : l’excellent Vingt dieux de Louise Courvoisier, qui, après son Prix de la jeunesse Un certain Regard à Cannes, peut croire à un beau succès en salles à la fin de l’année et quelques nominations aux César.
Prochainement dans les salles, trois premiers longs-métrages d’univers très différents qui déjà démontrent encore une fois qu’il y a beaucoup de nouveaux talents qui attendent de rencontrer le public… Une sélection aussi subjective que qualitative.
Un thriller technologique
DRONE, réalisé par Simon Bouisson (scénarisé par Simon Bouisson, Samuel Doux, Fanny Burdino, et la collaboration de Gilles Marchand) avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand, Stefan Crepon, Cédric Kahn – sortie prévue le 2 octobre.
Une jeune femme, souvent mal-à-l’aise avec les gens, intègre une formation en vue de terminer un cycle d’études en architecture, elle doit faire des efforts pour côtoyer les autres jeunes de son groupe d’étudiants tout comme un cabinet d’architecte, quelque chose la perturbe : elle remarque qu’un drône l’observe à l’extérieur de son appartement au quinzième étage. C’est un nouveau modèle de drône inconnu. Elle se sent épiée dans son intimité. Et bientôt le drone va devenir une menace…
Simon Buisson est l’un des rares cinéastes à s’intéresser aux nouveaux outils technologiques pour ce qu’ils sont soit des objets et des sujets de fiction.
Il a déjà réalisé divers films interactifs et les séries-télé Stalk (le hacking comme pouvoir sur les autres) et 3615 Monique (comédie sur le développement du minitel rose). Son premier film qui sort au cinéma utilise le drône à la fois pour ce qu’il est (un outil pour filmer des images comme aucune autre caméra ne se déplace) et surtout pour qu’il pourrait être de pire (un outil d’espionnage et d’intrusion qui cible des gens). Ici une jeune femme reçoit des images du drone à propos d’un drame arrivé à une connaissance. De quoi intensifier l’angoisse.
L’actrice Marion Barbeau (nomination Meilleur espoir féminin au César 2023 pour En corps de Cédric Klapisch) joue à merveille une jeune-fille introvertie qui n’aime pas être remarquée. Alors se découvrir observée par un drône va perturber encore plus ses relations avec les autres. Le film est centré sur cette nouvelle menace technologique (qui est derrière?, pourquoi ?) tout en abordant aussi en creux les diverses agressions qu’une jeune-femme subit dans son entourage comme dans le travail (être rabaissée, dénigrée, harcelée, violentée…). Le drone est nuisible mais le film salutaire.
Un drame politique
RABIA, réalisé par Mareike Engelhardt (scénarisé par Mareike Engelhardt et Samuel Doux) avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief; sortie prévue le 27 novembre.
Deux jeunes femmes françaises quittent la France pour arriver en Syrie. Elles sont en quête d’un nouveau sens à leur vie et veulent devenir épouse d’un combattant de l’Etat islamique…
Le début du film amène assez vite au départ vers le Proche-Orient. Presque tout le reste du récit va se passer entre les murs d’une madafa (une maison-prison pour les femmes en attente d’être ‘attribuée’ à un mari) où, après confiscation des téléphones et passeport, il faut obéir aux règles imposées par la matrone (corvées ménagères, prières, visionnage de propagande de guerre). Un lieu de transition avant de devoir suivre n’importe quel combattant venant chercher une épouse.
Sujet très délicat pour ce premier film. Mareike Engelhardt a recueilli quantité de témoignages pour être au plus proche d’un documentaire. Progressivement ,ses deux personnages vont se confronter à une réalité plus imparfaite : peu importe le degré de religion de ces jeunes femmes, si un combattant arrive pour ‘prendre’ une épouse c’est pour le servir et lui faire un enfant… Une fois arrivée c’est impossible de repartir et impossible de s’enfuir. Lubna Azabal joue la matrone autoritaire qui régente l’endroit, pour celles qui ne respectent pas les règles : il peut y avoir cellule d’isolement, des privations de nourriture, des coups de fouet…
Les deux amies arrivées de France sont Natacha Krief (d’ailleurs en ce moment à l’affiche de La nuit se traîne de Michiel Blanchart) qui sera rapidement choisie par un combattant, et Megan Northam (héroïne de Pendant ce temps sur Terre de Jérémy Clapin, sorti cet été) qui sera plus récalcitrante, pas vraiment en adéquation avec ce qu’elle espérait… Les règles internes vont évoluer entre la matrone Lubna Azabal et cette recrue française pas adaptée, vers un système de fascination/soumission. Rabia évoque aussi en partie un cheminement vers une certaine radicalisation.
Un récit d’apprentissage
OLLIE, réalisé par Antoine Besse (scénarisé par Antoine Besse) avec Théo Christine, Kristen Billon, Cédric Kahn, Emmanuelle Bercot; sortie pas encore programmée.
Le petit Pierre a 13 ans, mais il n’a plus de maman. Le père se démène pour sauver son exploitation agricole qui n’est plus rentable. Pierre est un petit gars solitaire qui essaie de faire du skate. Arrive Bertrand, en tant qu’ouvrier temporaire en renfort pour la cueillette de fruits, un grand type trentenaire au look de punk-à-chien qui vivote un peu en marge du système. Et lui sait faire du skate.
Le jeune ado en construction et ce type louche en reconstruction n’ont rien en commun si ce n’est d’avoir eu à faire face à un deuil, et leur goût pour le skateboard. En secret Bertrand va devenir peu à peu entraîneur pour aider Pierre à réussir ses tricks. Et Pierre va prendre de l’assurance sur sa planche. Il va se rendre compte qu’il pourrait impressionner une jolie fille et peut-être même relever des défis stupides de trois abrutis de son école…
Après plusieurs courts (dont plusieurs fictions déjà avec Théo Christine), Antoine Besse passe au long en étant inspiré de sa jeunesse de jeune skateur en Dordogne (là où le film a principalement été réalisé) et de skateurs qu’il avait croisé (dont un en particulier décédé). Le skate prend beaucoup de place dans le récit de Ollie mais le film raconte aussi l’ennui dans une campagne rurale où il y a la tentation d’une certaine marginalité.
Théo Christine n’en finit pas de montrer son charisme dans des rôles très différents les uns des autres (il est dans le trio amoureux de Vivre, mourir, renaître de Gaël Morel passé par Cannes et aussi présenté à Angoulême ; il avait été JoeyStarr dans Suprêmes d’Audrey Estrougo). Ici il montre non seulement une autre apparence mais aussi une nouvelle façon de se mouvoir et on a presque la sensation d’entendre une autre voix. Théo Christine impressionne quand il s’agit d’incarner un personnage.
Face à lui le jeune Kristen Billon dont c’est le premier rôle principal (après un petit rôle déjà sur un skate dans Quand tu sera grand d’Andréa Bescond et Eric Métayer), qui a l’avantage d’être autant crédible comme acteur que comme skateur débutant. Dans le réel, il gagne des médailles aux championnats de France de skateboard.
Les Etats-Unis avaient eu leur sainte trilogie de films de skate (Wassup Rockers de Larry Clark en 2006, Paranoid Park de Gus Van Sant en 2007 et primé à Cannes, 90’s de Jonah Hill en 2018). Antoine Besse vient d’entrer dans la danse avec Ollie. Plus que du skate, Ollie c’est avant l’histoire d’une transmission entre deux paumés. La recherche d’un père perdu.