Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie…
Pour qu’un film devienne un grand succès populaire au cinéma avec plusieurs millions de spectateurs, il n’y a évidement aucune recette pour y parvenir. Ainsi certains gros films ‘calibrés’ pour le succès vont se planter (et ils sont nombreux cette année) alors que des productions plus modestes rencontrent un succès inespéré (Un p’tit truc en plus de Artus).
Et pourtant, il y a un ingrédient bien connu qui est essentiel pour les films à duo (que ce soit dans dans des comédies romantiques, dramatiques, d’aventures ou burlesques) : les opposés doivent s’attirer. Deux personnages antagonistes se rencontrent, suscitant des frictions et des incompréhensions pour aboutir au final à une solide complicité. Rien que dans le cinéma français, on a vu un policier s’allier avec un fou du volant dans Taxi, un mec de banlieue bavard et un aristocrate coincé et handicapé en fauteuril dans Intouchables, un cadre stressé du travail et un homme atteint de trisomie 21 mais décontracté dans Le Huitième Jour, un suicidaire mou et un grand dur impulsif dans Les Compères (et tous les autres scénarios de Francis Veber). Au début il y en a toujours un qui a besoin de l’autre puis la dépendance s’inverse.
Fossé social
C’est exactement sur ce type de numéro de duettistes que le nouveau film d’Emmanuel Courcol, En fanfare, se contruit. Version cliché il y a le citadin riche et célèbre et il y a le ch’ti pauvre ignoré. Version scénarisée, c’est un grand chef d’orchestre classique et un employé de cantine scolaire qui joue dans une fanfare d’amateurs. Thibaut, le chef d’orchestre, est malade d’une leucémie est a besoin d’une greffe. Ce qui l’amène à découvrir tardivement l’existence de Jimmy, ce frère inconnu adopté ailleurs. Évidement tout les sépare, sauf leur goût pour la musique. C’est la principale qualité de la musique : elle rassemble les gens, sans se soucier d’où on vient et de qui on est.
Pour autant ce concept « Laurel & Hardy » ne suffit pas à garantir un succès. Il faut aussi une alchimie entre les deux acteurs principaux, des rebondissements, un peu d’humour et un peu de larmes, une fin émouvante… Bref il faut trouver une harmonie dans cette cacophonie de la vie.
En fanfare est assez astucieux et intelligent pour proposer davantage d’ingrédients. Ici, le facteur chance (et malchance) traduit avant tout une inégalité sociale et une injustice humaine. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, comme l’a si bien illustré Etienne Chatlliez. Alors que cela aurait pu être l’inverse lors d’une procédure d’adoption qui a séparé deux frères ignorant chacun l’existence de l’autre. Et si ça avait été l’inverse ? Le bobo parisien va découvrir le nord des prolos (Bienvenue chez les Ch’tis !). En fanfare de Emmanuel Courcol parvient à cocher toutes les cases d’une amusante comédie sociale pour un large succès populaire, et tant mieux. Cela change des comédies de mœurs et familiales paresseuses que les producteurs français nous infligent à longueur d’année.
Tout pour la musique
Le film joue évidement avec des clichés de lutte des classes bobos/prolos (la symphonie chez les riches bourgeois, la fanfare chez les pauvres ouvriers), avec un peu de subtilité et un véritable amour pour la musique. « Quand la musique est bonne, quand la musique donne, quand la musique sonne, quand elle ne triche pas… » C’est cette passion pour la musique qui va les unir, car la fanfare de Jimmy a besoin d’un nouveau chef d’orchestre. Si la musique devient une langage commun avec lequel les deux personnages vont se rapprocher, les imprévus qui vont survenir permettrons aux deux frères de trouver une tonalité commune.
En fanfare est bien entendu un film musical. Les musiques jouent d’ailleurs un rôle de lien entre les personnages mais également avec les spectateurs. La musique classique symphonique ouvre et ferme le film, mais en son centre, la comédie dramatique met particulièrement en avant la musique populaire, plus joyeuse et plus rythmée. Deux façons de pratiquer le même art. Dans un orchestre, le plus important c’est la précision de l’éxécution des notes; dans la fanfare, ce qui compte encore plus c’est de se retrouver entre amis.
En fanfare est une histoire de famille et plus encore, une histoire d’amitié. Emmanuel Courcol vise ce délicat miracle de faire un film populaire au sens noble du terme avec de l’humour et de l’émotion (et sans excès de caricature). C’est plein de bons sentiments, et c’est suffisamment fédérateur pour rassembler les gens en ces temps de clivages anxyogènes.
Les interprètes sont tous impeccables, et à l’évidence ce couple Benjamin Lavernhe, aristo de la Comédie-Française, et Pierre Lottin, autodidacte échappé des Tuches, a su trouver lui aussi une manière de jouer cette jolie musicalité en apportant leur sensibilité propre et en imposant un charisme évident. Sonnez trompettes et battez tambours : on prédit que ce sera un hit.
En Fanfare
Festival de Cannes 2024. Cannes Première.
1h43
Sortie en salles : 27 novembre 2024
Distribution : Diaphana
Réalisation : Emmanuel Courcol
Scénario : Khaled Amara,Oriane Bonduel, Emmanuel Courcol, Irène Muscari, Marianne Tomersy
Musique : Michel Petrossian
Avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco, Jacques Bonnaffé, Clémence Massart-Weit et Anne Loiret