C’est pop, c’est coloré, c’est dans l’air du temps : comme ces tubes qui tournent en boucle pendant un été, et portent à jamais en eux le souvenir nostalgique d’un passé révolu, Les Reines du drame d’Alexis Langlois nous laisse en tête des hectolitres de paillettes et quelques chansons façon scies, qui nous reviennent sur les lèvres à la moindre occasion. Le plus emblématique, « Pas touche », réunit en trois minutes tous les motifs du film, dont il offre un résumé virevoltant. Vraie fausse mièvrerie, curseurs poussés à fond, sens du rythme et du style.
Partant de là, deux solutions : comme le dit en préambule le personnage interprété par Bilal Hassani (dans un rôle qui élève l’autodérision au rang d’art), si l’on n’aime pas les drames qui en font des tonnes, mieux vaut passer son chemin. Mais si on est friand de romantisme débridé, de sentiments sans cesse exacerbés, et d’une grosse louche de n’importe quoi, il ne faut surtout pas rater ce film pour lequel le « too much » est une raison d’être.
Il faut dire qu’Alexis Langlois est loin d’en être à son coup d’essai dans le genre. Ses courts métrages, parmi lesquels les inénarrables De la terreur, mes sœurs ou À ton âge le chagrin c’est vite passé, revendiquaient déjà un goût certain pour le pastiche, l’outrance et la provocation. Chantre d’un cinéma queer qui ne s’excuse pas d’exister, il s’approprie les codes du mélodrame ou de la comédie romantique et/ou musicale pour mieux les dépoussiérer.
Pour Les Reines du drame, il transpose son univers et ses motifs favoris dans un format long qui peut parfois sembler très, très long, mais qui assume ses excès en tout genre et se joue des clichés avec une audace salutaire. Le sujet du film tient sur un post-it : une histoire d’amour exaltée entre deux jeunes chanteuses des années 2000 que tout semble pourtant opposer, sur fond de parodie de télé-réalité.
Mais si les montagnes émotionnelles traversées par les personnages nous évoquent irrémédiablement Les Feux de l’amour (et Alexis Langlois revendique d’ailleurs de puiser une partie de son inspiration dans la pop culture télévisuelle), ce sont surtout les chansons créées pour le film qui en font tout le sel (« Pas touche », donc, mais aussi « Go musclée », « Bikeuse amoureuse » ou encore « Fistée jusqu’au coeur »). Le tout sublimé par un casting 5 étoiles qui en jette, d’Asia Argento à Alma Jodorowsky en passant par Raya Martigny et Dustin Muchuwitz, sans oublier les deux rôles titres Louiza Aura et Gio Ventura et Rebeka Warrior et Yelle à la musique.
Alors, oui, le film déborde de tout (d’émotions, de larmes, de caricatures et de coolitude appuyée), néanmoins il le fait avec une sincérité désarmante, et l’ambition louable de réveiller le spectateur comme le cinéma français. De ce point de vue-là au moins, c’est une totale réussite, tant il nous emporte dans un tourbillon certes hautement imparfait, mais joyeusement rafraichissant.
Fiche technique
Les Reines du drame d'Alexis Langlois (2024)
Avec Louiza Aura, Gio Ventura, Asia Argento, Alma Jodorowsky, Bilal Hassani, Raya Martigny, Dustin Muchuwitz... 1h55
Sortie française : 27 novembre 2024