Voilà longtemps que l’on suit le parcours de la réalisatrice Marie Amachoukeli, dont nous vous parlions déjà en 2008 lorsqu’elle était la coscénariste du court métrage Forbach, réalisé par Claire Burger, et récompensé à la Cinéfondation. Trois sélections à Cannes plus tard (C’est gratuit pour les filles à la Semaine de la critique en 2009, Party girl à Un certain regard en 2014, Ama Gloria en ouverture de la Semaine de la critique en 2023), la réalisatrice vient tout juste de remporter le prix Spécial de la Fondation Gan, remis dans le cadre des aides annuelles à la création, pour son projet de long métrage d’animation coréalisé avec Vladimir Mavounia-Kouka, Happy end (voir notre reportage au Cartoon movie en 2023).
Le duo, qui avait déjà signé I want Pluto to be a planet again en 2016, planche depuis plusieurs années déjà sur cette comédie noire qui joue à imaginer un monde dans lequel, subitement, la mort serait neutralisée. On y suivra en parallèle Bertha King, ancienne militaire de carrière, particulièrement contrariée de ne plus avoir l’opportunité de se suicider, et la révolte des animaux de basse-cour qui, momentanément sauvés de l’abattoir, entreprennent d’ensevelir la ville sous des tonnes de fiente. Un projet extrêmement décalé, qui promet de renouer avec le plaisir des cartoons à la Tex Avery, et dont nous avons eu la chance de parler avec Marie Amachoukeli en amont de l’annonce des lauréats de la Fondation Gan qui se tient ce lundi 25 novembre à la Cinémathèque française.
EN : Que représente cette aide à la création décernée par la Fondation Gan ?
Marie Amachoukeli : C’est un prix extrêmement important, car nous sommes à un moment charnière du financement du film. Recevoir un tel éclairage et une telle marque de foi dans notre travail, cela nous donne confiance. Cela nous incite aussi à être à la hauteur. Faire un long métrage d’animation est un processus long, il faut beaucoup se battre. Recevoir un tel encouragement nous fait tout simplement jubiler.
EN : Que pouvez-vous nous dire sur le projet ?
Marie Amachoukeli : C’est une comédie noire et rythmée, avec des enjeux de mise en scène importants, et un ton absurde. Nous avons envie de renouveler la comédie burlesque avec un cartoon à la Betty Boop auxquels se mêlent des préoccupations contemporaines. Le pari du film, c’est de regarder le monde par le petit bout de la lorgnette. Nous recherchons un ton très dynamique et irrévérencieux, ancré dans notre époque.
EN : Où en êtes-vous concrètement ?
Marie Amachoukeli : Nous sommes en fin de recherche de financement. Nous avons obtenu l’avance sur recettes du CNC et plusieurs partenaires étrangers se sont engagés sur le film. La Fondation vient donc consolider ces acquis, et nous espérons pouvoir entrer en production en 2025.
Vous avez déjà coréalisé un film avec Vladimir Mavounia-Kouka, comment s’est passée la rencontre entre vous ?
Nous nous sommes rencontrés sur un de ses films, un clip pour Odezenne. Dedans, il y avait un personnage de mouche avec une tête de mort. De mon côté, j’essayais d’incarner la mort dans mon écriture, et je n’y arrivais pas. Voir cette mouche m’a débloquée. Alors on s’est lancé tous les deux dans l’aventure du long métrage. Notre court, I want Pluto to be a planet again, nous a permis de faire des tests et de travailler ensemble, avec un minimum de moyens. C’était comme un galop d’essai… et à la fin, nous avons été vraiment heureux de la carrière du film.
Pourquoi êtes-vous si attachée au genre du cartoon ?
Marie Amachoukeli : J’ai commencé ma vie cinéphile avec Tex Avery et j’ai développé une véritable passion pour cette forme de cinéma en général. Popeye, Bugs Bunny, Droopy… Donald Duck autant que les frères Fleisher. N’importe quel moment de Fantasia. La danse macabre. Et ainsi de suite. J’ai une admiration sans limite pour ces artistes capables d’inventer un gag toutes les secondes. Ce sont des tempêtes, des ouragans, ça ne retombe jamais où on l’attend. Et puis la richesse des décors, des couleurs, des textures… J’ai envie de faire ça au moins une fois dans ma vie. Je crois que ça n’a pas de prix. Évidemment, fabriquer ce type de film demande une énorme exigence. Mais quelle jubilation ! Et puis, bien sûr, on s’entoure de cartoonistes, d’animateurs qui aiment le cartoon et sont heureux de pouvoir s’y essayer. Il y a quelque chose de générationnel et d’enthousiasmant.
Portrait Marie Amachoukeli © Marie Rouge