Les rêves de Pedro Almodovar
Le dernier rêve (Flammarion) est un recueil mélangeant récits de fiction et d’autofiction, réflexions et souvenirs. 33 ans après Patty Diphusa. La Vénus des lavabos, puzzle foutraque et loufoque autour d’une star du porno, le cinéaste s’éclate dans un univers baroque qui nous plonge dans le franquisme, la movida espagnole et au-delà.
Les personnages sont flamboyants. Les actrices à l’écran sont érigées en muse. Les films ou les livres des autres sont des respirations dans une vie mouvementée. On croise d’improbables complices de son imagination, dans des situations tantôt ordinaires (une migraine entêtante), tantôt surréaliste (pauvre Miguel). Qui aime le cinéaste se plaira à découvrir son intimité, jamais impudique. Même si la fellation semble l’obséder…
De quoi patienter jusqu’à la sortie de son prochain film, La chambre d’à côté (Lion d’or à Venise) le 8 janvier. Notons aussi le livre de Pau Gomez, Almodovar une rétrospective (Hors-collection).
Le beau livre sur Wes Anderson
En attendant la grande exposition consacrée au plus parisien des cinéastes américains, voici le livre du critique de cinéma Christophe Narbonne, Wes Anderson – La totale (EPA).
L’esthétique du réalisateurs se prête bien à un beau-livre tant son style et son perfectionnisme artistique sont en soi des créations. Tous ses films, courts et longs-métrages, sont décryptés et accompagnés de visuels (affiches, photos de plateau, …), décortiquant ainsi la cohérence formelle singulière de son œuvre. Quelques secrets de tournages, des anecdotes, ses influences des entretiens complètent l’ensemble pour les plus addicts et autres admirateurs.
Miyazaki se livre
IMHO vient de publier Hayao Miyazaki – Là où le vent revient – Entretiens – de Nausicaä de la Vallée du Vent au Voyage de Chihiro T.1. À travers plusieurs entretiens réalisés de 1990 à 2001 par le critique et éditeur japonais Yôichi Shibuya, le mystère Miyazaki se lève (un peu). S’y dévoile une personnalité complexe du maître de l’animation japonaise, entre misanthropie et ermite, mais aussi les coulisses de ses films jusqu’au Voyage de Chihiro.
Il ne mâche pas ses mots et explique sa vision du cinéma, où les plus grands en prennent d’ailleurs pour leur grade. Un mix de confidences et de réflexions, parfois acerbes, sur la société moderne comme sur son art. Précieux.
Se balader dans Paris à travers des films
Paris, capitale du cinéma ? Juliette Dubois nous convie à un Paris Ciné-balades (Hugo Image) où le lecteur-cinéphile-arpenteur visite la ville-lumière sur les traces de tournages célèbres, d’acteurs populaires et de quartiers chers aux amoureux du 7e art.
Ludiques, instructifs, interactifs, ces 15 parcours fléchés et thématiques rendent aussi hommage aux personnalités du cinéma (Audrey Hepburn, Jean-Paul Belmondo, Sophie Marceau, Claude Sautet, Cédric Klapish). Le triangle d’or sert de décors aux polars. Du Louvre au Luxembourg, on part pour une petite vadrouille avec le cinéma de Gérard Oury, tandis qu’avec François Truffaut on déambule entre Pigalle et les Grands magasins. Sans oublier le quartier de Denfert avec Agnès Varda et le Montmartre d’Amélie Poulain.
Le roman primé d’Abdellah Taïa
« ...les rêves ne sont pas toujours des rêves. Ils existent. Ce n’est pas de la fiction. C’est un espace réel où parfois la vérité peut enfin sortir. » L’écrivain et cinéaste, dont le nouveau film, Cabo Negro, sort en 2025, a reçu le prix Décembre et le prix de la Langue française cet automne avec son nouveau roman, Le bastion des larmes (Julliard).
Youssef, professeur marocain exilé en France, revient à Salé après la mort de sa mère pour régler l’héritage familial. Ce retour fait ressurgir son passé, marqué par l’amour, la douleur et le souvenir de Najib, son ami et amant tragiquement perdu.
Il abord de manière poignante, parfois crue, le deuil, l’exil, l’homosexualité et les tensions sociales au Maroc. Entre colère et nostalgie, misère et splendeur, on se prend l’envie de voir tous ces vieux films égyptiens qui font presque oublier un présent jamais aussi beau que le passé.
Deux chefs d’œuvre de Kubrick
En 1973, Stanley Kubrick choisit les environs de Dublin comme cadre pour un tournage intense qui s’étendra sur plus de 300 jours. C’est Barry Lindon. Décors, bande-son, costumes et affiche sont minutieusement analysés dans un ouvrage somptueux, dirigé par Jan Harlan, son beau-frère et collaborateur des quatre dernières œuvres du cinéaste.
Préface par Sébastien Allard, directeur du Département meinture du musée du Louvre, on s’immerge, cinquante ans en arrière, dans la production hors-normes d’un film qui donne toujours envie d’écouter du Haendel et d’allumer les bougies. Marisa Berenson, Katharina Kubrick, le regretté Michel Ciment, Darius Khondji sont invités à livrer leurs témoignages et leurs avis dans ce très beau livre publié par Siméio.
À noter que Taschen vient également de publier un beau-livre exceptionnel sur The Shining. «Je trouve qu’il se lit comme un thriller. C’est un document extraordinaire, que toutes les personnes créatives pourraient selon moi qualifier d’absolue nécessité. C’est un accomplissement stupéfiant » dixit Steven Soderbergh. 1400 pages en un coffret luxueux qui réunit des centaines de photos, de rares documents de production et des entretiens approfondis.
Bertrand Tavernier en mémoire
Mémoires interrompus (Institut Lumière/Actes Sud), préfacé par Thierry Frémaux, porte bien son titre. Le cinéaste a commencé la rédaction de son autobiographie durant le confinement de 2020. Mais la maladie l’emporte un an plus tard. Ses souvenirs s’arrêtent sur le tournage d’Un dimanche à la campagne (1984), au tiers de sa riche filmographie.
Malgré ce sentiment d’inachevé, lle lecteur jouit de sa légendaire générosité, de son sens de la transmission et de son érudition. Tavernier y célèbre les disparus qui ont marqué sa vie, rend hommage à des figures comme Philippe Noiret et Jean Aurenche, égratigne Melville, et partage des anecdotes sur ses tournages. Il revient aussi sur son enfance à Lyon, décrivant avec précision l’après-guerre et ses relations complexes avec son père.
Tavernier livre un témoignage plein d’humour et de tendresse, vibrant d’humanité, d’amour du cinéma et de curiosité insatiable.
Les meilleurs copains d’abord
Le Splendid par le Splendid : Nous nous sommes tant marrés! clame la couverture. Et ils nous ont fait tant rire… Malheureusement, on a un peu moins rit quand l’un des membres de la troupe, Michel Blanc, est mort soudainement juste avant la parution du livre par Le Cherche midi. Ils étaient tous là, aux funérailles. La mine pas joyeuse. Pas bronzés du tout.
Alors ce livre est presque réconfortant. La saga du Splendid, racontée par ses membres, célèbre les 50 ans de la célèbre troupe comique française, auréolée d’un César d’honneur. Ces copains de lycée, devenus icônes de la comédie, partagent pour la première fois leur histoire, en racontant eux-mêmes les coulisses de la success-story.
Des débuts dans les cabarets du Club Med et les cafés-théâtres des années 1970 au triomphe en salles de cinéma à la fin de la décennie, ils partagent leurs fous rires et leurs moments intimes, nous rappellent leurs répliques cultes, revisitent leurs parcours cahotiques, illustrent tout ça avec des photos inédites. C’est culte, et ça se lit sans culte.