L’amour au présent :  le futur n’est jamais sûr…

L’amour au présent : le futur n’est jamais sûr…

Almut et Tobias voient leur vie à jamais bouleversée lorsqu’une rencontre accidentelle les réunit. Une romance profondément émouvante sur les instants qui nous changent, et ceux qui nous construisent.

Carpe diem! Profitons de la vie ! Dansons sur les braises du volcan! L’amour au présent suit la lignée des drames romantiques contemporains comme Il était temps, Un jour ou Reviens-moi : un couple fusionnel qui va devoir affronter un sale coup de malchance, après avoir surmonté tellement d’obstacles pour vivre l’amour avec un grand A et ses petits tracas.

John Crowley, réalisateur inégal, avec à son actif l’excellent Boy A, le très plaisant Brooklyn, et le navrant Chardonnet, n’essaie pas d’épater avec sa mise en scène, sobre, efficace, un poil convenue. Il laisse ses acteurs envahir le cadre, et accompagne ce scénario délicatement écrit en lui donnant le peps nécessaire grâce à un découpage habile et un montage sans temps mort. De quoi faire de ce « rom-dram » un film émotionnellement attachant et esthétiquement soigné, sans manipuler outrageusement le spectateur. Difficile de résister au charme de ce mélo romantique, parfois comique, qui refuse de verser dans le pathos.

Cette belle histoire d’A « ordinaire » (ça finit mal en général) souffre de quelques artifices souvent trop visibles, et de cette délinéarisation malicieuse du récit un peu trop factice. Pourtant, on oublie rapidement ces petites faiblesses, notamment grâce à cet épilogue qui ferait arracher les larmes à n’importe quel insensible.

Un couple idéal

Cela tient avant tout à l’alchimie merveilleuse du couple incarné par Andrew Garfield (révélé par le réalisateur avec Boy A en 2007) et Florence Pugh, deux comédiens si brillants qu’ils ont été débauchés par Marvel. Lui en homme naturellement déconstruit, au boulot sans intérêt, qui ne demande qu’à s’occuper méthodiquement de sa famille et à prolonger le sentiment amoureux jusqu’à la fin de sa vie. Un vrai romantique. Elle en femme bisexuelle et autonome, passionnée par son job de Cheffe gastronomique, et qui voit son équilibre si chèrement acquis mis en péril par un crabe possiblement fatal.

Le couple parfait, ça n’existe pas? il semblerait que si, après quelques efforts. Pas de coup de foudre. Une rencontre accidentelle plutôt. Du sexe, de la bouffe, un poil d’excentricité britannique et quelques menus plaisirs pour pimenter une existence banale, avec ses ambitions naturelles et ses aspirations sociétales. John Crowley mélange les époques – on ne comprend qu’à un tiers du film la chronologie des événements – pour nous embarquer dans cette décennie amoureuse. Ces allers et retours dans le temps permettent à ce film pointilliste de nous faire vivre de multiples variations : comédie, romance, mélodrame, tensions s’alternent pour faire en sorte que le spectateur ne soit pas plonger immédiatement dans un simple drame sur la maladie, qui reste ainsi en arrière-plan. C’est aussi une manière de traduire intelligemment l’impression qu’il reste d’une vie : les bons et les mauvais souvenirs, dans le désordre. Il s’agit enfin de composer le parcours de deux êtres qui vont s’unir pour le meilleur et pour le pire, malgré quelques dilemmes et de sérieuses différences de point de vu ponctuellement.

Courage et cœurs avec les doigts

L’amour au présent ne se veut pas une leçon de vie, mais plutôt un portrait d’une famille bourgeoise qui trouve son bonheur à l’écart du monde. Le foyer est un refuge, autosuffisant ou presque.

Or, le film s’oblige à en sortir, malheureusement. En se décentrant de son sujet, avec une place trop importante donnée à un concours international de haute cuisine, il tombe bancalement dans le sous-genre des films de cuistot (or, depuis la frénétique série The Bear, il est difficile de faire plus palpitant). Cet aspect compétitif peut avoir son intérêt, mais il est si banalement raconté et filmé qu’il détonne avec le reste de l’histoire.

Certes, cela permet au personnage désarmant mais combattif de Florence Pugh d’être au centre, non pas avec son cancer, mais avec son métier. Femme courage de bout en bout. Or, si le film fonctionne malgré tout si bien, c’est parce que le personnage charmant mais déterminé d’Andrew Garfield en est aussi le cœur. Q’on sent battre à chaque instant. C’est à travers son regard qu’on découvre l’enchaînement désarticulé des événements. L’amour poignant qu’il porte à sa femme rend le conte plus romantique que tragique.

Que reste-t-il de nos amours finalement? Des bribes de moments plus ou moins mémorables. De ce film, on retient avant tout la douceur qui s’en dégage malgré l’issue fatalement inéluctable et finalement assez lissée.

L’amour au présent se détache sans doute des films du genre par sa capacité à l’autodérision, à sa volonté d’être un tant soi peu décalé et à son souhait de ne pas s’enliser dans les sentiers battus. Pas question de verser une larme sur une jeune femme condamnée. « C’est ok de ne pas être ok« . Et basta. Ici, les adieux sont métaphoriques et pudiques, simples et furtifs.

« – La vie est belle. – Tout va bien. » Alors profitons-en tant qu’il en est encore temps… Aimez sinon nous sommes perdus!

L'Amour au présent (We Live in Time)
Durée : 1h48
Sortie en salles : 1er janvier 2025
Réalisation : John Crowley
Scénario : Nick Payne
Musique : Bryce Dessner
Avec Andrew Garfield, Florence Pugh, Adam James, Marama Corlett...
Distributeur : Studiocanal