Once upon a time in Gaza : la fiction dans la guerre

Once upon a time in Gaza : la fiction dans la guerre

Yahya qui tient un restaurant de falafel, et son ami Osama dont il couvre le trafic. Entre oppression et corruption, leur destin à tous les deux se verra bouleversé lorsque Yahya, qui était venu à l’origine à Gaza pour étudier, finira par rentrer dans une chaine de violence qu’il voulait éviter, en parallèle de ses débuts d’acteurs dans le cinéma d’action.

L’histoire débute en 2007, tournant historique dans le conflit israélo-palestinien, car c’est l’année de la déclaration officielle de Gaza comme ennemi d’Israël ainsi que le début du siège et la construction du mur séparateur. Comme dans leur précédent film Gaza mon amour, les frères Nasser prennent le parti de montrer le quotidien à travers une fiction d’action, pour proposer un autre regard sur ce territoire qui, dans nos visions occidentales, n’est représenté qu’à travers la guerre, la violence et le désastre – sans pour autant évacuer le climat particulier créé par l’oppression Israélienne.

Cependant, Once upon a time in Gaza – qui a mis 10 ans à être fabriqué – ne prend pas en compte la réalité quotidienne des Gazaouis depuis octobre 2023, précisent les deux réalisateurs Arab et Tarzan Nasser dans une interview pour Deadline Hollywood. Cette collaboration franco-germano-luso-palestinienne a reçu le prix de la mise en scène dans la compétition Un certain regard de l’édition du festival de Cannes 2025.

Un faux conte

Loin du conte de fées que laisse supposer le titre, le parcours des personnages a au contraire tendance à s’assombrir. Yahya qui était à Gaza comme étudiant, est à présent enfermé dans une vie sédentaire, sans pouvoir rendre visite à sa famille qui vit à l’extérieur du mur, en raison de sa nationalité palestinienne. Las et triste, il mène une vie calme et morose, à l’inverse d’Osama qui est bien décidé à ne pas rester inactif dans ce contexte déprimant et à rendre sa vie plus confortable, trouvant pour seule solution le trafic de drogue. Cependant, ce n’est pas une voie de sortie viable puisqu’il est rattrapé par la violence de la réalité, rappelant que pour les Gazaouis, il n’existe pas d’autres échappatoires possible que le drame ou la tragédie.

Cette issue pessimiste s’avère vraie pour les autres protagonistes : même lorsque la vie de Yahya commence à prendre des airs d’american dream gazaoui  quand il est repéré par hasard pour jouer un héros national dans le premier film d’action palestinien, l’ambiance délétère qui n’est jamais loin le rattrape et, comme Osama, il n’échappera pas à une fin tragique. La violence qui grandit petit à petit dans le personnage de Yahya, en parallèle de son interprétation de révolutionnaire palestinien, témoigne d’un besoin cathartique de revanche sur un monde qui ne laisse aucun espoir à ceux qui rêvent de paix et de justice. Tous semblent condamnés : par Israël, par les autorités palestiniennes, mais aussi par la colère et le besoin de vengeance : Ado Sami, policier corrompu, attise l’envie de représailles de ceux qu’ils abusent et n’en sortira pas indemne non plus, ce qui rappelle la dissonance du titre avec le contexte géopolitique actuel : il n’est plus question de happy end ou de morale, mais juste de déterminisme : les situations ne peuvent pas s’améliorer à Gaza pour ceux qui ne sont pas puissants ou importants.

Double tonalité

Le film se découpe en deux parties : avant et après la mort d’Osama, assassiné par Ado Sami, marquant un tournant dans la vie de Yahya. Ce basculement s’accompagne d’un mélange des genres (comédie, drame, film d’action) qui semble parfois gratuit, et laisse confus. On s’interroge également sur l’ambivalence de certains éléments, notamment avec le personnage d’Osama, devenant parfois caricatural, voire parodique dans l’archétype du cowboy : mauvais garçon solitaire, qui bien que violent, n’est pas méchant. La mise en abyme, qui viendra plus tard, fait même douter de la première partie du film (et de l’existence d’Osama), tant le début et la fin contrastent avec l’ensemble : ces séquences font-elles partie de l’histoire générale, ou bien d’une scène du « film dans le film » ?

Voulant probablement se détacher du déroulé classique du film d’action, les réalisateurs jouent d’ailleurs sur la temporalité : les premières scènes, identiques aux dernières, et les discrets flashbacks, troublent à plusieurs reprises notre impression du « présent » et nous perdent avant de finalement revenir à une fin plus conventionnelle. Ces décalages récurrents, bien qu’appréciables a posteriori, créent une distance avec le public qui a parfois du mal à se positionner, et à se saisir pleinement de l’univers auquel il est confronté.

Zoé Mottin

Fiche technique
Once upon a time in Gaza
Cannes 2025. Un Certain regard
1h27
En salles : 25 juin 2025
Réalisateurs et scénaristes : Tarzan et Arab NASSER
Image : Christophe Graillot
Musique : Amine Bouhafa
Distribution : Dulac distirbution
Avec Issaq Elias, Nader Abd Alhay, Ramzi Maqdisi, Majd Eid