Nos conseils pour la Fête du court métrage

Nos conseils pour la Fête du court métrage

L’édition 2021 de la Fête du court métrage se tenant en ligne jusqu’au 30 Mars, c’est l’occasion de profiter des nombreux films proposés gratuitement sur sa plate-forme, ainsi que sur quelques sites partenaires ! Car on ne le rappellera jamais assez : un court métrage n’est pas un film au rabais, il dure juste moins de 60 minutes… De nombreux réalisateurs de premier plan ont commencé par le court métrage, et bien d’autres n’ont même jamais quitté ce format qu’ils affectionnent, et dont le seul « tort » est de ne pas bénéficier d’une systématique exploitation en salles, qui lui offrirait la même exposition qu’au long. Nous vous invitons donc à faire le plein de cinéma, à travers dix propositions de films ou programmes à ne pas rater.

Souvenirs crayonnés (programme 2)

Vous pouvez vous lancer sans la moindre hésitation sur ce programme dans son intégralité, puisqu’il propose quatre films d’animation signés par des auteurs incontournables : René Laloux, Jean-François Laguionie, Jacques Colombat et Michael Dudok de Wit.

Le plus connu et le plus emblématique est probablement La Traversée de l’Atlantique à la rame, Palme d’or du court métrage en 1978. On y suit un jeune couple qui se lance dans la folle aventure de cette traversée de tous les dangers, et qui rencontre en chemin plus d’obstacles (intérieurs) que prévus. Brillante métaphore de la vie de couple, mêlant à égalité la poésie et l’humour, le film brasse les thèmes chers à Jean-François Laguionie, du temps qui passe aux faux-semblants, en passant par une réflexion plus profonde sur l’existence et sur le couple.

Vie et mort d’Oscar Perez de Romain Champalaune (programme 12)

Documentaire captivant, Vie et mort d’Oscar Perez de Romain Champalaune est un film de montage qui réunit (sans voix off ni commentaires) les images personnelles, récoltées principalement sur les réseaux sociaux, d’Oscar Perez, figure controversée de l’opposition vénézuélienne à Nicolas Maduro. Ancien policier, Perez s’est peu à peu érigé en chef de file d’une rébellion de plus en plus musclée, allant jusqu’à créer un mouvement paramilitaire organisant des opérations commandos contre les forces de l’ordre.

Tout cela, on le comprend uniquement à travers les images récoltées par Romain Champalaune, qui montrent un personnage charismatique, soucieux de son image, et habile à se mettre en scène dans des situations flatteuses. Avec ses yeux d’un bleu d’acier et son physique de mannequin bodybuildé, Oscar Perez affiche un mélange de candeur absolue et d’insupportable opportunisme politique. Le film nous fait passer par tous les points de vue, le présentant d’abord comme un pantin un peu ridicule, puis comme un néo-fasciste dangereux, avant de le transformer en martyr piteux, dépassé par les conséquences de ses actes. Loin d’apporter des réponses, le réalisateur amène le spectateur à se poser quantité de questions, à la fois sur les faits présentés, et sur la manière dont il a choisi de les présenter.

La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel (programme 13)

Voilà un film de genre qui réinvente le motif traditionnel de l’invasion (ici, des sacs plastiques) en jouant habilement sur le contraste entre la situation horrifique (les attaques à proprement parler) et l’interminable logorrhée du personnage féminin principal, obsédée par son désir d’enfant. Le mélange de rotoscopie et d’animation 2D traditionnelle produit un film étonnamment ancré dans la réalité, dont le basculement dans le fantastique et l’horreur est une belle démonstration d’humour noir. Ce qui n’empêche pas un sous-texte écologique plutôt flippant, l’Humanité se retrouvant plus ou moins condamnée à périr par le plastique, ou à fusionner avec lui.

Unitaires (Programmes 15 et 16)

Pour les spectateurs les plus pressés par le temps, ces deux programmes réunissent des films ultra-courts qui rappellent que la valeur n’attend point le nombre de minutes (blague imposée lorsqu’on parle de court métrage). On espère que vous pourrez prendre le temps de les voir tous, mais si ce n’est pas le cas, précipitez-vous sur Attention au loup de Nicolas Bianco-Levrin et Julie Rembauville (variation savoureuse sur la figure du grand méchant loup), Un homme de tête de Georges Méliès dont on ne rappellera jamais assez qu’il fut le précurseur des effets spéciaux, en plus d’être un réalisateur de génie, Pumpers paradise de Eddy Hohf qui imagine un monde dans lequel la musculation compterait plus que tout, Gardée à vue d’Emilie Rolquin, qui raconte son expérience lors de l’acte IV du mouvement des Gilets jaunes en décembre 2018, ou encore Pense-moi de Chloé Mazlo sur la (non ?) communication dans le couple.

Hédi et Sarah de Yohan Manca (programme 17)

À quel moment une histoire d’amour bascule-t-elle dans l’obsession malsaine ? Construit en deux volets, qui adoptent chacun le point de vue d’un des personnages, le film explore le mécanisme et les conséquences de ce qui, d’un amour déçu, se mue en harcèlement violent. Entre cet homme qui se transforme en bourreau, et cette femme qui refuse de se vivre en victime, se joue alors une tragédie vibrante, portée par deux comédiens exceptionnels, Judith Chemla et Thomas Scimeca.

Les Alice Comédies de Walt Disney (programme 18)

A ses débuts, Walt Disney a produit une série de courts métrages mettant en scène une petite fille nommée Alice vivant des aventures peu ordinaires. La particularité des films est de mélanger prises de vue réelle et animation, Alice étant incarnée par une véritable petite fille évoluant tantôt dans des décors réels, tantôt dans un monde de cartoon.

Dans ces récits burlesques, pas vraiment d’histoires de princesses se languissant de leur prince charmant mais une héroïne bagarreuse, casse-cou et téméraire, n’hésitant jamais à aller au devant du danger, ou à se lancer dans d’incroyables aventures comme on en a la démonstration dans ce programme qui l’imagine en cow-girl ou en chef des pompiers. Féministe avant l’heure, Alice mène son petit monde à la baguette et revendique le droit à la liberté et à l’irrévérence.

Un Adieu de Mathilde Profit (sur le site de Canal +)

Récemment nommé pour le César du meilleur court métrage, et lauréat du prix Jean Vigo 2020, ce premier film en forme de promesse raconte avec simplicité et justesse les dernières heures que passent ensemble un père et sa fille qui part à Paris pour poursuivre ses études loin du domicile familial. Jamais formulée, mais omniprésente, l’imminence de la séparation est dans tous les gestes, tous les regards.

Si l’on est un peu moins sensible aux péripéties du début du film, la deuxième partie du récit, resserrée autour des deux personnages principaux, est en état de grâce, avec un épilogue (muet), qui dit en quelques plans ce que la pudeur a empêché les personnages d’exprimer.

A retrouver sur le site de Canal +

Clean with me after dark de Gabrielle Stemmer (sur le site de Canal+)

C’est l’un des incontournables de 2020 ! Clean With Me (After Dark) est un étonnant film de montage sur des femmes se filmant en train de faire le ménage de manière frénétique, qui débouche sur une réflexion passionnante sur la place des femmes dans la société contemporaine. On est d’abord tenté de rire devant l’ardeur que les personnages mettent à la tâche (à moins d’être soi-même une fée ou un magicien du logis ?), avant que le vernis ne craquelle pour révéler des failles et des fragilités bouleversantes.

A voir sur le site de Canal +

L’heure de l’ours d’Agnès Patron (sur le site d’Arte)

Le récent lauréat du César du meilleur court métrage d’animation est l’un de nos chouchous depuis sa première à Cannes en 2019 ! Il s’agit d’une fresque flamboyante et majestueuse qui raconte, dans des éclats de rouge et de vert sur fond noir, le combat immémorial des enfants pour gagner leur liberté et s’affranchir des adultes.

Dans ce film à la fois minimaliste et spectaculaire, même les herbes qui dansent au rythme du vent sont d’une expressivité folle. Servi par l’exceptionnelle musique symphonique de Pierre Oberkampf, il mêle le souffle épique au récit intime, et emporte le spectateur dans une danse effrénée et tribale qui semble nous ramener aux origines de l’Humanité.

A regarder dans la sélection d’Arte

Genius Loci d’Adrien Mérigeau (sur Brefcinema)

En bonus, la revue Bref nous offre l’un des cinq films en lice pour l’Oscar du meilleur court métrage d’animaton, Genius Loci d’Adrien Mérigeau, dont la carrière fut exceptionelle depuis son passage par Angers, Clermont, Berlin puis Annecy l’an passé.

On y suit une jeune femme, Reine, qui s’échappe de chez elle et s’enfonce dans le chaos urbain de la nuit, guidée par son écho. Nous voilà alors face à une errance narrative syncopée, qui donne l’impression d’imiter les volutes du jazz, improvisant en toute liberté, ajoutant ici des images à peine esquissées qui se superposent au plan ; là, au contraire, dépouillant  le cadre de tout détail superflu. Cette esthétique changeante d’une image à l’autre, reflet des émotions de la jeune femme, et des sensations qu’elle traverse, est un tourbillon de formes, de couleurs et de mouvements qui matérialisent la vitalité invisible du monde, ce que l’auteur appelle le chaos urbain.

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